2012 déc. 6

La mairie de Paris à l'heure afghane

Plaidoyer pour la suite

Les réunions se succèdent pour tenter d'ouvrir les perspectives afghanes. Hier, c'était sous les bas-reliefs centenaires de l'hôtel de ville de Paris que se tenait un séminaire intitulé "L'Afghanistan, de Bonn à Tokyo : quelles réalités et quels devenirs ?"

Un aréopage talentueux mêlant témoins afghans aéroportés pour l'occasion et spécialistes français incontournables s'est attaché à convaincre que la population afghane attend mieux de la solidarité internationale qu'un traitement de pitié ou au contraire une gabegie destinée à favoriser les intérêts des bailleurs de fonds. Les clichés répétés dans les média ont été démontés. Dit-on que l'insécurité est bien plus souvent le résultat des affrontements des chefs de guerre pour accaparer l'aide internationale que des exactions idéologiques des insurgés - bien existantes néanmoins ? Clame-t-on que si un kilo de résine de pavot sorti d'Afghanistan rapporte 8.000 euros localement - où ces revenus déséquilibrent l'économie - le même kilo se monnaye à 80.000 euros sur le marché européen... Qui profite de la différence ? Sait-on que le port de la burqa est choisi par un certain nombre de femmes, parce qu'il leur permet de sortir de chez elles, alors que leur environnement masculin aurait plutôt tendance à les y confiner pour garantir leur sécurité ? Rappelle-t-on que les programmes de développement ne peuvent réussir que s'ils émanent de la population - avec une adapatation à ses méthodes et ses contraintes - et s'ils sont soutenus sur le long terme ?

Deux réflexions personnelles. D'abord, la tristesse à constater que l'assemblée comprenait un public déjà convaincu : à une question générale, c'est une forêt de mains qui se sont levées pour signaler que l'auditeur était directement lié à l'Afghanistan, par son origine ou par son travail. Et donc, les quelque deux cents personnes qui se manifestent à chaque occasion afghane fonctionnent plus ou moins en circuit fermé, le cercle ne s'élargit pas. L'Afghanistan n'intéresse pas, ou plus, ou n'a même jamais intéressé au-delà des inquiétudes viscérales véhiculées par ceux qui entretiennent volontairement l'islamophobie.

Un petit évènement personnel m'a pourtant aussi réjouie. Parmi les invités venus de Kaboul se trouvait Noorkhanum, une jeune femme médecin que j'avais rencontrée en 2005 à l'occasion de mon enquête sur la perception de l'égalité. Employée par une grande ONG internationale, elle faisait alors de la sensibilisation aux pratiques d'hygiène auprès des femmes. Elle m'avait raconté qu'elle avait été obligée par sa famille d'accepter de se marier alors qu'elle aurait souhaité se consacrer à sa profession, et commenté : "Ce n'est que quand j'ai commencé à travailler pour ce programme et à rencontrer toutes ces femmes que j'ai réalisé combien mon mari était compréhensif !" Huit ans plus tard, Noorkhanum est devenue la responsable de l'ensemble du programme de santé de cette ONG.

Et devant l'assemblée, alors qu'elle venait en France pour la première fois, alors qu'il y a sept ans nous avions dû échanger par l'intermédiaire d'un interprète, Noorkhanum s'est exprimée devant l'assemblée dans un anglais parfaitement maîtrisé pour défendre avec méthode et passion l'avenir de son pays.

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