2013 déc. 12
Dialogue Nord-Sud
11:23 - Par Gauhar - Saison 8 - Lien permanent
Par une parfaite journée de début d'hiver kabouli, le ciel est d'un bleu
profond, les vols de tourterelles circulent au gré des mouvements de leurs
dresseurs, et l'on se plaît à contempler la rose encore en bouton au creux d'un
jardin bien abrité du vent, où l'on vient de déjeuner sur une table au soleil.
Alors qu'il se met en mesure de fixer l'instant, le quidam au repos perçoit un
bourdonnement qui croît rapidement dans son dos jusqu'à incruster dans le
cliché un attribut de l'appareil guerrier international implanté
localement : un hélicoptère appartenant à l'une des ces patrouilles qui
traversent deux par deux l'espace aérien afghan, de jour comme de nuit, au ras
des terres ou des habitations.
Il y en a chaque jour des dizaines. La plupart s'en accommoderont en échange de
l'idée que ce quadrillage est la garantie de leur sécurité. D'autres, de plus
en plus nombreux au fur et à mesure que des pertes civiles 'collatérales'
auront été provoquées dans leur entourage par des frappes aériennes aveugles,
mal dirigées ou mal informées, manifesteront une animosité croissante contre
'l'occupation étrangère'. Ceux-là rejoindront tôt ou tard les talibans parce
que les drones américains continuent de survoler leurs maisons, parce qu'ils
auront eu le sentiment que les erreurs sont ignorées et incontrôlées, parce
qu'ils craignent pour la vie de leurs familles. Vous imaginez-vous dans le fin
fond de la Corrèze, habitant tranquillement votre ferme isolée sous l’œil d'un
gros coléoptère intouchable qui menace de déclencher l'enfer s'il remarque
quelque chose d'étrange... comme par exemple que vous soyez sorti cueillir des
pissenlits pour votre salade du dîner, ce qui aura été interprété comme une
tentative de dissimuler dans la terre des objets interdits, que vous aurait
amenés le curé du village justement en visite ?!!!
Ce type de nouvelles est fréquent. Et l'on comprend l'argument de Karzaï qui ne
souhaite pas donner un blanc-seing aux militaires américains sans un minimum de
dispositions qui limiteraient le ressentiment des population rurales - celles
qui sont prises en sandwich entre les internationaux et les talibans. Karzaï
veut éviter que la fracture dont est victime l'Afghanistan, celle qui délimite
les grandes zones géo-stratégiques de la planète, se fasse au détriment de
l'identité afghane, qui a su jusqu'ici ménager la complémentarité entre les
villages agricoles et les villes commerçantes.
La rencontre à Johannesburg des dirigeants internationaux autour de la
dépouille de Nelson Mandela aura donné lieu à de grands moments de lyrisme
Nord-Sud - comme la poignée de main entre Raul Castro et Barack Obama -
probablement favorisés par le début de l'été austral. La rencontre éclair entre
Obama et Karzaï n'a pourtant provoqué aucune étincelle d'optimisme : les
négociations pour le traité de sécurité américano-afghan sont toujours dans
l'impasse.
Commentaires
Plein de pensées tendres petite sœur...
Gauhar : Merci, grande sœur, bisous, à bientôt :)
Le dimanche 15 décembre 2013, 08:16 par Mapi