2015 fév. 12

Fin de session

Me voilà renvoyée à mes occupations habituelles. J'ai finalement siégé au jury de deux affaires de la session d'Assises qui m'a retenue ces dernières semaines: une histoire d'inceste, une autre de viol entre amis. Outre l'horreur des situations décrites et l'abîme dans lequel ont sombré les victimes et les accusés - qui tous deux ont avoué à l'occasion de ces audiences, c'est l'échec des institutions sociales et judiciaires qui s'impose. Dans un cas, tout un entourage familial, amical et professionnel est resté pendant plusieurs années insensible aux signaux qui auraient pu alerter sur la violence faite à des enfants, la séparation des parents pouvant expliquer le comportement erratique des filles violées. Dans l'autre, un enfant déraciné devenu au fil des ans un petit délinquant multi-récidiviste, n'a pu trouver de réponse psycho-sociale adaptée aux séquelles qu'il porte de situations de violence vécues avant d'arriver en France ; jusqu'au point où, très jeune adulte, sa rage se retourne contre la seule personne qui l'a accompagné pendant des années.

Ces cas sont des symptômes de la violence que véhicule notre société. La croire - cette violence - caractéristique des zones de fracture comme l'Afghanistan est un leurre. Elle est issue de notre monde de compétition qui concentre les ressources entre les mains d'un petit nombre de puissants prédateurs, lesquels font croire au plus grand nombre que s'ils n'arrivent pas au sommet c'est parce que les plus vulnérables volent leur part du gâteau.

C'est seulement le traitement social de cette violence qui est différent. En Afghanistan, les règlements traditionnels tentent de trouver une solution collective aux conflits : les familles prennent la responsabilité des égarements des leurs, et s'engagent en bloc dans une démarche de réhabilitation du coupable, de réparation de la victime et de réconciliation de la communauté, parce que seul l'honneur du groupe permet de survivre dans la violence. En France, une transgression des règles doit trouver un coupable, lequel doit être puni. Et le plus souvent, la condamnation est accompagnée d'un rejet de l'environnement. Seules les mères anéanties rendent visite par la suite aux détenus enterrés vivants; pères, frères ou sœurs, amis, collègues ne prennent souvent même pas la peine de venir témoigner aux procès.

Ces condamnés sont des boucs émissaires.

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