2016 avr. 19
Baroud d'accueil
06:48 - Par Gauhar - Saison 13 - Lien permanent
Huit heures cinquante-cinq, je suis lovée sur mon lit dans l'espoir que ma
kaboulite passe... Depuis deux jours, mes contacts ont été mi-figue,
mi-raisin : heureux de me voir, globalement pessimistes sur la situation.
Les news locales énumèrent les lieux d'affrontements entre forces de sécurité
nationales et opposants armés, soit une quinzaine de districts où les combats
sont incessants. Les maux de la vie quotidienne s'égrènent comme une
litanie : chantiers en souffrance parce que l'entrepreneur s'est réfugié à
l'étranger (avec l'avance sur travaux...); jeunes exploités par les anciens à
cause de la pénurie d'emplois ; administration publique manifestement en
dehors de la réalité vécue par la population ; théorie du complot
omniprésente : les Américains financeraient les talibans. En fait, les
mêmes qu'en France, n'est-ce pas ? Même s'ils sont exacerbés...
Et puis un grondement fait trembler les vitres de tout l'immeuble. Comme je
dors, que le temps est plutôt maussade, je crois d'abord à un coup de tonnerre.
Mais je suis réveillée maintenant, je vais à la fenêtre. Instinctivement, je
regarde dans la direction du quartier diplomatique. Un énorme nuage noir
s'élève en champignon. D'après mes repères, ça pourrait être charrah-e
sedarat zambak, le point de contrôle de l'accès à la zone
verte.
La circulation en bas de mon immeuble n'a pas changé de rythme. Le ballon
d'observation, qui était à terre au moment de l'explosion, s'élève lentement
vers le ciel. On entend au loin quelques sirènes de police. Bienvenue à Kaboul
!
Photo Pajhwok Afghan News
Neuf heures trente, première alerte sur le site de Tolo News (sic):
"A heavy explosion rocked Kabul at about 9am local time on Tuesday. Early
reports indicate it was a car bomb but officials have yet to confirm this. The
blast reportedly occurred in PD2 in Pul-e-Mahmood Khan area. Reports of gunfire
were also heard. Not details as yet on casualties." Rapidement, des
détails sont publiés : la cible est un service de protection des VIP
dépendant de la présidence et situé près du ministère de la Défense. Des
combats sont en cours à l'intérieur.
Dix heures : au moins deux douzaine de personnes auraient été tuées, des
forces de sécurité entourent le lieu de l'attaque et les combats continuent.
Dix heures trente : les victimes seraient en fait de six morts et une
vingtaine de blessés. Dix heures cinquante-trois : le nombre de blessés
s'élève à 198... Onze heures trente, le nombre passe à 208. L'attaque serait
terminée avec l'élimination des assaillants par les forces spéciales
afghanes.
A 14h41, ToloNews publie le dernier bilan : 28 morts et 327
blessés, pour la plupart des civils. Les détails indiquent que la majorité a
été blessée par des éclats de verre, parfois jusqu'à un kilomètre de distance
de l'explosion, provoquée par un camion-suicide bourré d'explosifs. Maisons et
boutiques à proximité ont subi des dégâts importants.
19h10 : A l'instant, nouvelle explosion, moins forte mais plus proche que
ce matin. Il fait déjà nuit. Les voitures en bas de chez moi klaxonnent pendant
quelques minutes, puis le carrefour, généralement encombré à cette heure-ci, se
retrouve désert. Les gardes de Dostum ont pris leurs positions. Tout redevient
calme. Ce qu'en dit Pajhwok à vingt heures : Another bomb
explosion was heard in Kabul late on Tuesday evening hours after a deadly
suicide car bombing left 28 dead and hundreds wounded. Interior Ministry
spokesman Sediq Seddiqi told Pajhwok Afghan News the latest blast took place at
7:15pm in Sherpur area of Kabul on a street. He said it was a
remotely-controlled landmine blast that caused no casualties. The official said
the target of the blast was not immediately known.
Mise à jour du lendemain : le bilan s'établit à 64 morts et 347 blessés.
Synthèse après une semaine : les soixante-quatre morts ont été abattus à
l'intérieur du bâtiment des services de sécurité, par trois assaillants revêtus
d'uniformes de la police de sécurité. Ils portaient une chemise blanche comme
signe distinctif. L'un d'entre eux a pu quitter les lieux sans être
inquiété.