2016 avr. 19

Baroud d'accueil

Huit heures cinquante-cinq, je suis lovée sur mon lit dans l'espoir que ma kaboulite passe... Depuis deux jours, mes contacts ont été mi-figue, mi-raisin : heureux de me voir, globalement pessimistes sur la situation. Les news locales énumèrent les lieux d'affrontements entre forces de sécurité nationales et opposants armés, soit une quinzaine de districts où les combats sont incessants. Les maux de la vie quotidienne s'égrènent comme une litanie : chantiers en souffrance parce que l'entrepreneur s'est réfugié à l'étranger (avec l'avance sur travaux...); jeunes exploités par les anciens à cause de la pénurie d'emplois ; administration publique manifestement en dehors de la réalité vécue par la population ; théorie du complot omniprésente : les Américains financeraient les talibans. En fait, les mêmes qu'en France, n'est-ce pas ? Même s'ils sont exacerbés...

Et puis un grondement fait trembler les vitres de tout l'immeuble. Comme je dors, que le temps est plutôt maussade, je crois d'abord à un coup de tonnerre. Mais je suis réveillée maintenant, je vais à la fenêtre. Instinctivement, je regarde dans la direction du quartier diplomatique. Un énorme nuage noir s'élève en champignon. D'après mes repères, ça pourrait être charrah-e sedarat zambak, le point de contrôle de l'accès à la zone verte.

La circulation en bas de mon immeuble n'a pas changé de rythme. Le ballon d'observation, qui était à terre au moment de l'explosion, s'élève lentement vers le ciel. On entend au loin quelques sirènes de police. Bienvenue à Kaboul !


Photo Pajhwok Afghan News

Neuf heures trente, première alerte sur le site de Tolo News (sic): "A heavy explosion rocked Kabul at about 9am local time on Tuesday. Early reports indicate it was a car bomb but officials have yet to confirm this. The blast reportedly occurred in PD2 in Pul-e-Mahmood Khan area. Reports of gunfire were also heard. Not details as yet on casualties." Rapidement, des détails sont publiés : la cible est un service de protection des VIP dépendant de la présidence et situé près du ministère de la Défense. Des combats sont en cours à l'intérieur.

Dix heures : au moins deux douzaine de personnes auraient été tuées, des forces de sécurité entourent le lieu de l'attaque et les combats continuent. Dix heures trente : les victimes seraient en fait de six morts et une vingtaine de blessés. Dix heures cinquante-trois : le nombre de blessés s'élève à 198... Onze heures trente, le nombre passe à 208. L'attaque serait terminée avec l'élimination des assaillants par les forces spéciales afghanes.

A 14h41, ToloNews publie le dernier bilan : 28 morts et 327 blessés, pour la plupart des civils. Les détails indiquent que la majorité a été blessée par des éclats de verre, parfois jusqu'à un kilomètre de distance de l'explosion, provoquée par un camion-suicide bourré d'explosifs. Maisons et boutiques à proximité ont subi des dégâts importants.

19h10 : A l'instant, nouvelle explosion, moins forte mais plus proche que ce matin. Il fait déjà nuit. Les voitures en bas de chez moi klaxonnent pendant quelques minutes, puis le carrefour, généralement encombré à cette heure-ci, se retrouve désert. Les gardes de Dostum ont pris leurs positions. Tout redevient calme. Ce qu'en dit Pajhwok à vingt heures : Another bomb explosion was heard in Kabul late on Tuesday evening hours after a deadly suicide car bombing left 28 dead and hundreds wounded. Interior Ministry spokesman Sediq Seddiqi told Pajhwok Afghan News the latest blast took place at 7:15pm in Sherpur area of Kabul on a street. He said it was a remotely-controlled landmine blast that caused no casualties. The official said the target of the blast was not immediately known.

Mise à jour du lendemain : le bilan s'établit à 64 morts et 347 blessés. Synthèse après une semaine : les soixante-quatre morts ont été abattus à l'intérieur du bâtiment des services de sécurité, par trois assaillants revêtus d'uniformes de la police de sécurité. Ils portaient une chemise blanche comme signe distinctif. L'un d'entre eux a pu quitter les lieux sans être inquiété.

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