2006 nov. 18
صبح بخير افغانستان
16:38 - Par Gauhar - Saison 3 - Lien permanent
"Good morning Afghanistan", c'est le nom de la radio créée en 2002 par la
communauté internationale.
Hier, une émission du soir était consacrée à la Journée Internationale des
Droits de l'Enfant. Et les jeunes représentants de nos centres y étaient
invités pour répondre aux questions des auditeurs.
Timour Shah pensait que la famille de Chekeba ne la laisserait jamais y participer. Aussi, il y a trois jours, j'avais enfilé les ruelles boueuses des taudis de Qala-e Wakil ...
... pour aller plaider sa cause auprès du conseil de famille. Au bout d'un
marasme de décharges urbaines et d'immondices, j'avais poussé la porte en bois
d'une courette serrée autour d'une mare fétide. Dans un coin grelotte une
chèvre. Derrière le fil à linge, on entre dans la pièce où vivent les trois
générations qui entourent Chekeba. Une aieule grabataire et mi-sourde, que tout
le monde salue avec révérence avant de s'installer à même le sol en terre
battue. Une mère à la beauté sereine et bien assise. Chekeba, elle, timidement
affairée à nous préparer le thé.
Dès que la question cruciale a été mise sur le tapis, les femmes se sont
exclamées... puis ont convenu de s'en remettre au grand frère, que l'on manda
d'urgence. Quelques minutes plus tard se présenta un solide jeune homme d'une
quinzaine d'années à peine. Il m'écouta attentivement : c'était un honneur
pour Chekeba de représenter ses collègues du centre... les droits des enfants
seraient célébrés à l'occasion de cette émission, et Chekeba en serait une
ardente avocate ! Il hésitait encore... Alors j'insistais : ayant
moi-même élevé trois enfants, maintenant grands, je connaissais les craintes
d'une mère, de toute une famille... et je me portais personnellement garante de
la sécurité de la jeune fille. Le garçon acquiessa enfin, au grand plaisir de
Chekeba.
L'émission fut un succès. Chekeba raconta
notamment comment elle devait faire le ménage chez des particuliers aisés, pour
un salaire de 30 afghanis par semaine, soit un demi-euro.
Au retour du studio, la crainte m'envahit. L'émission s'était terminée à
sept heures, alors que la nuit est déjà noire, et il n'y a pas de lune en ce
moment. A l'entrée du quartier de Qala-e Wakil, la voiture se mit à patiner sur
les plaques visqueuses qui semblent niveler les cahots. De loin en loin, des
groupes de garçons se faisaient la courte échelle au pied des poteaux
électriques, d'où giclaient les étincelles de courts-circuits dérivatoires. Je
me voyais déjà en panne au milieu des océans de boue, cherchant à défendre la
vertu d'une fillette affolée, puis à la soustraire aux représailles du frère
contraint par les règles d'un honneur implacable. Mais Boz Mohammad, notre
chauffeur, ne se départit à aucun moment de sa maîtrise. Nous vînmes à bout des
kilomètres d'embûches, et délivrâmes Chekeba émue, serrant sous son bras
l'enveloppe garnie qui lui était échue en remerciement de sa prestation, aux
bons soins de son frère qui l'attendait à l'heure dite devant la porte du
centre de Qala-e Wakil.
Mission accomplie.