- SaveRescueAtSea
2018 sept. 30
Aquarius
Par Gauhar
2018 mar. 26
Par Gauhar
Ce sont huit garçons venus du sud du Sahel à travers la Méditerranée qui ont
été accueillis cet hiver par notre groupe de bénévoles. Comme nos amis
pachtouns l'année dernière, c'est le hasard des répartitions administratives
qui les avait fait atterrir chez nous, comme des oiseaux égarés dans un monde
étrange. Ils ont survécu aux dangers de la traversée, sauvés parfois in
extremis par de courageux équipages.
Chez nous, ils ont commencé à recevoir l'attention, les soins et l'affection
qui leur ont fait défaut depuis qu'ils ont tout quitté, au Soudan ou au Tchad.
Depuis leur arrivée il y a six mois, certains avaient connu le meilleur - un
dossier régularisé - ou le pire - un grave accident invalidant, ou encore une
relocalisation au hasard de l'ouverture de centres officiels d'accueil.
Aujourd'hui, c'est le départ des quatre derniers, dont la situation
administrative ne prête pas à l'optimisme. Ils sont devenus nos proches, mais
l'administration ignore les liens d'amitiés. Nous sommes tristes, honteux,
indignés. Bon courage à vous tous !
2017 mai 31
Par Gauhar
Voici ma photo la plus proche du carrefour où a eu lieu ce matin l'attentat
suicide qui a fait plus d'une centaine de morts à Kaboul, à proximité de
l'ambassade de France... et du lycée Amani financé par la coopération
allemande ! La photo date d'octobre 2012. On peut craindre que de nombreux
enfants fassent partie des victimes. Et voilà ce que j'écrivais à la même
époque à propos de ce carrefour :
"Il y a à Kaboul une kyrielle de carrefours symbolisant les ruptures
tribalo-traditionalistes, qui supportent l’essentiel des tensions. Ce sont des
lieux d’insécurité structurelle parce qu’y sont postés des points de contrôle
militarisés, destinés à protéger les occupants d’un des côtés de la barrière
contre les occupants de l’autre côté. C’est sur ces endroits que se concentrent
les risques d’attentat suicide ou autre incident de sécurité. Le chauffeur ou
le piéton le plus nonchalant ne peut se défaire d’un sentiment d’urgence en
franchissant l’un de ces contrôles. L’un d’eux est Tchahâr-râh-é Zanbaq à
l’entrée de la ‘zone verte’, la zone ‘sécurisée’ qui abrite le palais
présidentiel et un certain nombre d’ambassades, celles des Etats-Unis et de
France notamment. Tchahâr-râh-é Zanbaq est l’endroit que doivent franchir à
pied les visiteurs de l’ambassade de France qui ne disposent pas d’un véhicule
muni d’une habilitation de sécurité. Depuis dix ans avec la détérioration des
conditions de sécurité, les conditions d’habilitation des véhicules se sont
faites de plus en plus restrictives. Le nombre de personnes obligées de
franchir à pied la centaine de mètres séparant le point de contrôle de l’entrée
de l’ambassade de France a augmenté en rapport. Il n’est pas possible aux
véhicules, par manque de place mais aussi par souci de prévention contre les
attentats à la voiture piégée, de se garer à proximité du point de contrôle. Et
par ailleurs, les artères le desservant sont embouteillées en raison des
contrôles, ce qui rend aléatoire le moment potentiel du passage d’un véhicule
pour le ramassage."
Anthropologie de l'égalité sur une fracture du système-monde, p. 230,
Editions de l'Harmattan, 2015
Déjà le marionnettiste qui tient lieu de président américain parle d'augmenter
les forces internationales en Afghanistan. C'est le contraire de la solution.
La vraie solution passe par le désamorçage du cycle de la vengeance en
engageant un vaste programme international civil de solidarité à la personne,
un revenu universel destiné à inverser la spirale d'insécurité et de violence
qui sape tout effort de coopération. Marc Zuckeberg, patron auto-enrichi de
Facebook, met justement
l'emphase sur la responsabilité des nantis dans la recherche de solutions.
Au niveau français, Benoît Hamon a construit un programme présidentiel autour
de ce constat. Ce sont de bonnes idées, elles exigent néanmoins, pour être
efficaces, de se développer à destination des vrais démunis, les populations
qui vivent sur les zones d'affrontement des empires.
2017 avr. 26
Par Gauhar
L'amertume sourdait dans la tristesse, ce matin sous le soleil piquant, quand
les Noirmoutrins ont assisté impuissants au départ de leurs "gars" vers un
nouveau lieu d'accueil. Ces huit jeunes gens afghans et pakistanais avaient
débarqué à l'automne dernier, transportés en car par l'administration française
depuis Calais vers un point de chute choisi au hasard parmi ceux disséminés
partout en France, sans cohérence globale autre que le volontariat local. A
l'initiative de sa Maire, la commune de la Guérinière en avait été. Tout un
groupe de bénévoles de l'Île s'était alors mobilisé pour rendre leur séjour
agréable à ces déracinés, démunis de tout et loin de leurs familles souvent
quittées depuis plus d'un an dans l'angoisse et la précipitation. On savait que
c'était provisoire, les logements devant être libérés avant l'été pour revenir
à leur destination habituelle, l'hébergement de gendarmes saisonniers. Mais les
services centraux avaient assuré que ce laps de temps serait suffisant à
clarifier les dossiers officiels dans la perspective d'une intégration.
En presque six mois donc, des liens forts se sont noués avec ces jeunes
migrants forcés. Pour égayer leur état d'esprit indexé sur le tracas des
demandes d'asile, l'équipe d'accueil - bénévoles et travailleurs sociaux - a
animé tout un programme d'activités linguistiques, culturelles et sportives et
de suivi sanitaire. Le caractère de chacun d'entre eux, le traumatisme qui l'a
mené sur les chemins de l'exil, ses aspirations à un avenir meilleur restaient
pourtant l'objet des inquiétudes de la petite communauté qui s'est organisée
autour d'eux. Alors, quand se sont succédées les annonces de rejet de chacun
des dossiers, quand les arcanes des procédures se sont faites de plus en plus
incompréhensibles sinon carrément injustes, l'humeur générale s'est détèriorée,
chez les hôtes comme chez les invités.
Aujourd'hui, alors que les larmes coulaient sans retenue dans les embrassades
de la séparation, les commentaires fusaient : "Pourquoi détruit-on une
intégration qui se passait si bien ? C'est comme si quelqu'un cherchait à
les regrouper pour pouvoir plus facilement les expulser le moment venu !" On se
demande alors s'il ne serait pas opportun de porter la question au niveau
politique national... Garantir le droit d'asile et en appliquer généreusement
les dispositions ne serait-il pas un engagement qui pourrait faire la
différence dans la course à la présidentielle française ?
Alors seulement l'antienne de la fraternité pourrait-elle se prévaloir de
mettre un pont entre la liberté et l'égalité.
2017 janv. 7
Par Gauhar
Il y a deux ans je recevais à
Kaboul la nouvelle de l'attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo. Mon
émotion s'amplifiait des réactions ambiguës que les attaques parisiennes
avaient provoquées dans la société locale, un miroir presque parfait de celles
constatées en France, entre horreur, soutien à la liberté d'expression et
reflexe communautaire... comme une preuve par le vif que la question est bien
celle de la reconnaissance de notre humanité commune dans les différences,
alors que, pourtant, l'égoïsme de nos sociétés riches les rejette dans
l'opposition des cultures. L'exaspération de ces contradictions m'a menée
quelques temps après à arrêter mes activités afghanes.
Mais c'est par ces lignes de sagesse soufie (dont je ne connais pas le détail
parce qu'écrite en pachto) ou ces preuves d'esprit scientifique - trouvées un
an plus tôt sur les murs du
lycée de jeunes filles de Djallalabad, que je garde espoir dans la
réconciliation, et en tout cas dans l'inéluctable vérité que nous ne sommes que
des atomes concourrant à l'évolution de l'univers.
2016 nov. 29
Par Gauhar
Quelle préfecture française fut instaurée en
1804 par un empereur, dessinée sous forme de pentagone, quadrillée en damier,
ornée de sa statue équestre et appelée de son nom ? Celle où se retrouvent
aujourd'hui une patrouille d'éclaireurs arrivés du carrefour des empires pour
échapper à la pression inhumaine d'intérêts exogènes en compétition sur leur
zone d'habitat. Indice utile, l'économie de ce département d'accueil est pour
une part fondée sur le filet de pêche.
Celui qui râle tout le temps pour prendre l'ascendant sur le groupe et en tirer
quelque profit, celui qui rêve face à l'océan embrassé pour la première fois,
celui qui reste cloîtré dans son désespoir fait de harcèlement communautaire et
d'éloignement familial, celui qui s'émerveille de voir sa bobine sortir du
photomaton en cinq exemplaires, celui dont les talents de cuisinier l'assignent
au rôle d'intendant pour tout le groupe, celui qui s'évertue à pointer la liste
des aliments autorisés ou non, celui dont les toux diurnes et sueurs noctures
font craindre un méchant virus... Ils se sont levés, hébétés et anxieux, au
petit matin gelé, pour prendre un bus vers les équipes du Centre d'accueil des
demandeurs d'asile. On y démêle pour eux les arcanes des nouvelles dispositions
applicables aux migrants provisoirement hébergés après le démantèlement de la
jungle de Calais. Ils ne connaissent rien à la vie d'une province
française. Entre espoir, excitation et sombre ennui, ils courent la chance ou
le risque d'un dossier dont personne ne pourra leur expliquer l'issue.
Hasard, ou destin, que je m'y sois retrouvée avec eux ? :)
2016 nov. 11
Par Gauhar
Pourquoi dans ce blog afghan une photo de commémoration française ? Parce
que je suis tombée inopinément aujourd'hui sur cette cérémonie, au pied du
petit immeuble où sont hébergés une dizaine de jeunes migrants afghans ou
pakistanais, tout juste arrivés de Calais pour être provisoirement logés dans
notre commune pendant leurs procédures de demande d'asile. Comme une couvée
d'oisillons maladroits ils se débattent dans ce milieu nouveau et
incompréhensible, clamant leur désir de vivre et leur crainte de
l'expulsion.
Ce sont des mondes hétérogènes qui essaient de s'entendre, dans la cacophonie
globale de la politique internationale encore plus inaudible depuis l'élection
d'un nouveau président américain. L'énumération des combattants tombés au cours
des guerres du vingtième siècle saura-t-elle exorciser le présent et nous
promettre un futur ? Les Afghans pourraient bien ne pas y croire. So
long Marianne ! nous chante une dernière fois Léonard Cohen...