Saison 10

Consultante pour Terre des Hommes, automne et hiver 2014-2015

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2015 janv. 16

Marketing rivulo-routier

En longeant la rivière Kaboul
Depuis des millénaires, les populations de cette région du monde longent la rivière Kaboul à travers les montagnes pour voyager d'est en ouest, ou l'inverse. Il y a le long de ses berges tout un monde de commerçants qui y trouvent une chalandise facile et captive. Le voyageur est soumis à un véritable matraquage publicitaire, accompagné d'une grande variété de pratiques commerciales.

Ainsi la buvette est-elle ornée du logo d'une boisson gazeuse bien connue...
Logo Pepsi à la buvette

...le boutiquier amène ses marchandises au moyen d'un engin de fabrication locale qui lui donne un look d'enfer...
Carriole à la harley-davidson

...les choux-fleurs soigneusement empilés ont remplacé les radis de la semaine dernière... Vendeur de route

...un professeur profite du magnifique paysage pour mettre en valeur sa proposition de services avec numéro de téléphone...
Promotion sur paysage

...une administration locale se rappelle au souvenir des citoyens...
Panneau administratif sur paysage

...au total une joyeuse animation, entrecoupée malheureusement de nombreuses épaves de véhicules accidentés mais délibérément imperméable au risque d'attaque des insurgés que les rapports de sécurité rappellent systématiquement. On ne va pas laisser des pisse-froid vous gâcher la vie dans les plus beaux paysages du monde, hein ?
A travers la plaine de Surobi

Pour être dans le mouv', et pour vous régaler à mon arrivée à Paris dans deux jours, j'ai fait comme mes compagnons de voyage : j'ai acheté un ser de grenades (environ sept kilos) qui tiendront lieu de lest aux bagages quasi-vides de mon prochain saut de puce ;) A bientôt !
Grenades de Kandahar, achetées à Surobi

2015 janv. 14

Casse-croûte

Quand les activités ont tellement de succès que leurs participants éclusent le ravitaillement prévu, il ne reste plus aux organisateurs qu'à se restaurer avec les moyens du bord. Comme ici, cette platée de haricots rouges et yaourt partagée à la bonne franquette par l'équipe de projet, laissée sur sa faim après un groupe de travail ;) Heureusement, à Djallalabad on peut toujours profiter du soleil.

Il paraît qu'entretemps la neige est tombée à Kaboul, sanctifiant ainsi la nomination tant attendue du gouvernement d'union nationale. Bon appétit !

2015 janv. 12

Ville ou campagne ?

Troupeaux de fossé
Aller de l'hôtel au bureau à Djallalabad, c'est une promenade à la campagne. Les gamins se pressent le long des routes vers leur école. Les boutiquiers étalent leurs légumes. Les moutons encombrent les bas-côtés de canaux comblés de détritus.

Embellissements jallalis
Les porches sont aussi brillamment décorés qu'une mosquée classique, comme si les propriétaires s'achetaient une indulgence de l'origine de leur opulence.

Quand, d'aventure, on discute avec une fière assemblée de représentants de villages éloignés, on découvre des cœurs sensibles et tendres, prêts à verser quelques larmes d'enfant quand on leur projette une histoire d'offense et d'honneur qui se termine bien...

PS: Pendant que vous marchiez, je travaillais... Et la presse afghane publiait des soutiens... comme ici la couverture du quotidien Hasht-e Soubh (huit heures du mat...): Azadi bayan na me-mord! La liberté d'expression ne meurt pas !
Couverture Hasht-e Soubh

2015 janv. 10

Route des gorges

Chargement de bonbonnes de gaz
Quant on voyage vers l'est de Kabul à Jallalabad, on accompagne la rivière dans son tracé taillé à la serpe à travers la montagne. De nos jours, la route est suffisamment large pour que deux camions se croisent, mais c'est une amélioration récente qui provoque d'ailleurs encore plus d'accidents de circulation en raison du manque d'expérience de conducteurs qui s'y croient autorisés à pousser leur vitesse dans les descentes.

Royon de soleil au fond des gorges de la Kabul
Parfois, on a la chance de saisir un rayon de soleil parvenu jusqu'à l'eau dans l'alignement de la gorge.

Les marcheurs se reposent
Quand la vallée s'élargit entre deux ravins, c'est l'occasion pour tous de profiter pleinement des splendeurs de la nature en prenant un repos bien mérité.

Etal de poireaux en bord de route
On sait qu'on est bientôt arrivé quand les étals de primeurs allèchent le voyageur qui remonte la route vers la capitale. C'est d'une ventrée de canne à sucre que nous nous sommes régalés pour saluer la ville pachtoune.

2015 janv. 9

Je suis Charlie

Sur le site de Libération :

Pas mieux...

Sur le site web de Libération du 7 janvier, Robert Badinter, ancien ministre socialiste de la Justice, réagit à l’attaque contre «Charlie Hebdo».

«Devant un tel crime, préparé et exécuté de sang-froid, c’est d’abord aux victimes que pense chacun d’entre nous. Policiers assumant le risque quotidien auquel les expose leur devoir, journalistes réunis pour accomplir leur mission d’information, sans laquelle la démocratie serait étouffée. Ces journalistes-là sont morts pour nous, pour nos libertés qu’ils ont toujours défendues. Sachons nous en souvenir. L’émotion nous saisit aussi à la pensée de leurs familles, de leurs proches, que le crime frappe au cœur par ricochet et qui vivront désormais comme des invalides, amputés de l’être humain qui était une part d’eux-mêmes.

«Au-delà du chagrin et de la pitié s’inscrit le devoir de justice. Nous sommes assurés que les pouvoirs publics mettront tout en œuvre pour identifier et arrêter les auteurs de ces crimes. A la justice de décider de leur sort, en toute indépendance et dans le respect de l’Etat de Droit. Ce n’est pas par des lois et des juridictions d’exception qu’on défend la liberté contre ses ennemis. Ce serait là un piège que l’histoire a déjà tendu aux démocraties. Celles qui y ont cédé n’ont rien gagné en efficacité répressive, mais beaucoup perdu en termes de liberté et parfois d’honneur.

«Enfin, pensons aussi en cette heure d’épreuve au piège politique que nous tendent les terroristes. Ceux qui crient "allahou akbar" au moment de tuer d’autres hommes, ceux-là trahissent par fanatisme l’idéal religieux dont ils se réclament. Ils espèrent aussi que la colère et l’indignation qui emportent la nation trouvera chez certains son expression dans un rejet et une hostilité à l’égard de tous les musulmans de France. Ainsi se creuserait le fossé qu’ils rêvent d’ouvrir entre les musulmans et les autres citoyens. Allumer la haine entre les Français, susciter par le crime la violence intercommunautaire, voilà leur dessein, au-delà de la pulsion de mort qui entraîne ces fanatiques qui tuent en invoquant Dieu. Refusons ce qui serait leur victoire. Et gardons-nous des amalgames injustes et des passions fratricides.»

2015 janv. 7

Attentat fasciste

Découvrir par hasard - en se connectant sur son compte Facebook après avoir traversé les fortifications militarisées locales pour rentrer chez soi - que les crapules fascistes ont décimé la rédaction de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, ça fait mal, très mal. Que la nouvelle soit accompagnée de mots de raison atténue à peine l'horreur.

Cet attentat est une provocation à la haine ; son déroulement fait plus penser à un contrat pour de l'argent qu'au mode opératoire habituel des malheureux kamikazes passés au lavage de cerveau des fondamentalistes musulmans. Qui donc a intérêt à payer pour enflammer le monde dans la guerre des civilisations ?

Merci Charlie !

2015 janv. 5

Signe du temps ?

Arrêt au rouge L'autre jour en rentrant au bureau, la voiture s'est arrêtée au beau milieu de la voie rapide... Étonnée, je lève les yeux et me rend compte qu'il y a un magnifique feu de circulation pour réguler le carrefour, et que le chauffeur l'a respecté bien que le trafic soit très clairsemé ! Mes collègues expliquent que tout le monde en a pris maintenant l'habitude :)

Cela augurerait plutôt bien de l'avenir, si les préoccupations du moment s'allégeaient. Aujourd'hui à la table du déjeuner, les paris étaient ouverts pour savoir qui, de la neige ou du nouveau gouvernement, allait s'annoncer en premier ;) Et chacun s'accordait à dire que l'arrivée des deux le même jour serait un signe favorable pour le pays.

On n'en est malheureusement pas encore là. Pour l'instant, ce sont les talibans qui ont repris les affaires, après avoir respecté comme tout le monde la trêve des confiseurs...

2015 janv. 2

Bonne année 2015

Marchandage kabouli Que l'année 2015 vous amène des matins lumineux, des affaires profitables et des perspectives enthousiasmantes, comme à ces commerçants kaboulis.

2014 déc. 29

Tourisme administratif

Palais de Darulaman
La chasse au visa est ouverte ! Cette région du monde s'organise autour du contrôle des mouvements de tous. Une nouvelle collègue française, arrivée il y a quinze jours pour prendre le relais d'un programme avec un visa de tourisme d'un mois, doit repartir vers une escale internationale - Dubaï dans son cas - munie d'une pile adéquate de document administratifs à présenter à l'ambassade afghane locale pour obtenir un visa de travail en un temps non spécifié, de l'ordre de plusieurs jours. Un jeune collègue afghan, appelé par la maison mère helvète à participer en janvier prochain à Genève à un séminaire interne en compagnie de trois autres afghans, passe le plus clair de son temps à courir les bureaux, y compris ceux de l'ambassade suisse à Islamabad, seule habilitée à délivrer des visas pour les ressortissants afghans, et par contrecoup ceux de l'ambassade pakistanaise à Kaboul. Quant à moi, qui dispose pourtant d'un passeport déjà estampillé à de nombreuses reprises, j'ai obtenu cette fois-ci un visa de trois mois rapporté à deux en raison du décalage de mon arrivée, ce qui m'impose des formalités identiques ici, et notamment d'aller montrer ma bobine à un fonctionnaire soupçonneux dans les bureaux concernés du ministère de l'Intérieur, récemment relocalisés dans le sud de la ville et encombrés d'une incroyable cohue d'Afghans de tout poil venus se procurer un passeport pour se rendre au Pakistan, alors qu'il n'y en avait pas besoin jusqu'au récent attentat dans une école de Peshawar.

Voyons le bon côté des choses : pour la première fois depuis fort longtemps j'ai pu passer de l'autre côté de la ville, et notamment aller constater que le palais de Darulaman est toujours sous forme de ruine de guerre, comme un pense-bête nécessaire et suffisant. Juste à côté est entreprise depuis plusieurs années la construction d'un bâtiment destiné à abriter la représentation nationale. On attend toujours.

Dans les quartiers sud comme ailleurs, la circulation est dispersée parce que l'activité est ralentie, et même les bus de fonctionnaires se font rares ou vides - sans doute pour éviter d'attirer les attentats.
Transport de fonctionnaires

Ce qui n'empêche pas la ville d'être attifée des attributs de la croissance préconisée par l'économie capitaliste. Les grands ensembles immobiliers, trop chers pour les bourses afghanes, sont donc vides, eux aussi...
Immeubles neufs et vides
...et les panneaux publicitaires géants font l'article selon les méthodes du consumérisme triomphant.
Panneau publicitaire

2014 déc. 27

Frise ou prise ?

Transport de fortifications
Comme pour donner du goût à la cuisine sécuritaire du moment - illustrée par les jolies frises de T-walls qui se trimbalent dans la ville vers les lieux à transformer en bunkers - les medias décortiquent la nouvelle mission de l'OTAN en Afghanistan et assaisonnent celle qui se termine. Une certaine Svetlana de l'agence Sputnik - ça ne s'invente pas et frise le bobard - m'a adressé depuis Moscou une liste de questions avec demande de commentaires... Menu fretin je suis, mais prise tout de même.

Quitte à passer à la moulinette de la guerre de l'information, ma contribution est aussi bien ici dans sa saveur originelle et je vous la livre donc en primeur...: As was previously proved - and the Soviet army experienced it in Afghanistan, no armed intervention can defeat an insurgency with popular support. Although the Taliban are not well regarded by the Afghan people - who remember their time in power - the insurgency feeds on popular resentment. More than a decade of international focus on state-building lacked tangible results for life improvements: power outages are a daily curse; education is for a happy few; each individual relies on its kin for emergency support.
The NATO operatives - with their obsession on terrorism - failed to understand that Afghanistan is a margin area, a place on the world grid where empires meet, overlap and fight. The people living here know that a central state emerges with support from a faraway foreign power center, only to crumble when its motivations and resources are exceeded by those of another power center from another part of the planet. Living in this area implies a never-ending security stress, reliance on strong survival skills and the necessity to fight to defend one's kin. Every occurrence of 'collateral damage' increases the insurgency by a whole family.
Making the world more secure would start with investing in development in Afghanistan - profitable for all neighbouring countries - rather than in the military - profitable only for one side's security concerns. It would start with solving problems arising from imperial competition, such as the differing railway gauges on each border (Iranian, Russian, Chinese, Indian). But world leaders find it easier to act tribal than to act in cooperation.

Prise de vue pour prise de vue, je me suis livrée tout à l'heure à un exercice sur chat et tapis persan(s), décohérencés ou non. Les préférez-vous en crise ou en p(o)ause ? Cela a-t-il un rapport avec le sujet précédent ?
Chat qui pose/pause
Chat en frise/crise

2014 déc. 25

Bureau à la campagne ?

Fontaine dans le jardin
Vue plongeante sur la fontaine depuis la fenêtre de mon bureau, en ce jour de Noël... il serait mal venu de s'en plaindre, me direz-vous ! Ne pas arroser le gazon, ne pas alimenter le bassin en eau, n'est que mesure de bon sens dans un pays en pénurie permanente. Poser sur la pelouse le générateur qui permet aux employés, pendant les coupures d'électricité, de continuer à remplir les rapports destinés aux financeurs est une preuve d'adaption aux nécessités locales. Partager l'emploi du temps de mes collègues afghans et travailler en ce jour saint, est une marque de solidarité avec eux, dûment soulignée par un cadeau collectif qui améliore l'ordinaire de la cantine : chacun s'est barbouillé consciencieusement du jus des grenades dégustées, et j'en ai profité pour faire une petite étude sur le vif des différentes méthodes de consommation ;)

L'absurde de la situation se manifeste, néanmoins, quand les dits-collègues se retrouvent contraints à contempler la fontaine toute la journée, à défaut de pouvoir mener à bien les missions pour lesquelles ils sont payés. Par exemple, aujourd'hui, il s'agissait de mettre en place une session de formation destinée à des fonctionnaires afghans et payée sur des financements internationaux, ceci avant la clôture définitive des budgets des financeurs, soit le 31 décembre. Pourquoi s'y prendre si tard, pensez-vous ? Parce que l'année entière a été perturbée par l'élection présidentielle et son suspense kafkaïen. Personne ne voulait s'engager sur rien, dans l'attente d'un dénouement qui amènerait un rebond miraculeux à la situation du pays. Mais voilà, le dénouement est toujours en attente : les ministres ne sont toujours pas nommés, la déréliction est à son comble. Il faut bien agir dans l'incertitude pour satisfaire aux obligations contractuelles.

Nos jeunes collègues afghans s'impliquent à fond, cherchent à faire valoir le meilleur des situations. Des dates sont fixées, des convocations sont envoyées. Et patatras, au dernier moment, ce sont les messages des organismes internationaux de sécurité qui poussent l'encadrement à renoncer à l'évènement : "En raison de menaces crédibles visant les guest houses et bureaux des ONG internationales à l'occasion des fêtes de fin d'année, il est recommandé de s'abstenir de mouvements ou d'évènements pouvant attirer l'attention." Il n'y a pourtant aucun participant, aucun formateur étranger à la formation envisagée et prévue dans un centre de conférences kabuli...

Il ne reste plus qu'à se rassembler autour du bassin vide de la fontaine, à le remplir de mégots. La journée se terminerait bien morose si mon retour vers la maison n'avait été égayé. Alors que je passais auprès du tombeau du saint dont j'ai déjà eu l'occasion de vous parler, j'ai été interpellée par une femme en vêtements de fête, en train de faire des offrandes. Elle m'a remis une part des friandises qu'elle distribuait aux passants : de l'halwa sur un morceau de pain chaud croustillant. Délicieux, je savoure en vous écrivant. Joyeux Noël.
Friandise sacrée

2014 déc. 23

Joyeux Noël

Mosaïque de la Vierge à l'Enfant, Sainte Sophie
Dans l'impossibilité de sortir ces jours-ci pour vous faire une photo de Noël, j'exhume de mes archives cette vierge à l'enfant qui se cache dans une travée de la basilique Sainte-Sophie à Istanbul, visitée en février dernier.

2014 déc. 15

Qala-e Moussa

Qala-e Moussa à Kaboul
Légèrement à l'écart du quartier chic de Shar-i Nau, au bout de 'l'avenue du témoin' au contre-bord nord-ouest de la colline de Bibi-Mahruh, c'est un quartier tranquille où habitent principalement des Hazaras peu fortunés. Mais Qala-e Moussa c'est, littéralement, 'le fort de Moïse' et l'on peut donc raisonnablement penser qu'en des temps plus anciens - et plus calmes - y habitaient aussi des familles juives.

Pour la communauté internationale, le quartier est surtout connu pour abriter le 'cimetière britannique', un petit coin de verdure entouré de murs au pied de la colline où l'on peut trouver, derrière la lourde porte en ogive à doubles battants en bois, les tombes d'étrangers dont les dépouilles sont restées sur le sol afghan tout en bénéficiant d'un protocole plus proche de leur origine culturelle.

Ils n'y sont pas nombreux.

2014 déc. 11

Colportage

Aiguières ambulantes
Huit heures du matin, les caniveaux sont couverts d'une épaisse couche de glace, et le marchand de fruits en fait venir encore plus en aspergeant sous sa devanture pour faire tomber la poussière. Les petits chiffonniers se chauffent les mains à un feu de papiers dans la décharge, et je me demande même s'ils ne sont pas en train de respirer les vapeurs d'un sac en plastique... Le boulanger salue mon passage sur le trottoir devant son four, comme chacun des commerçants du quartier qui m'ont, les uns après les autres, interrogée sur les raisons de ma présence, et ont semblé satisfaits de mes réponses.

L'activité est faible depuis que je suis arrivée, je n'ai pas retrouvé les interminables embouteillages des précédentes saisons. Je me presse vers le coin de la rue quand, à quelques dizaines de mètres, apparaît un colporteur chargé d'une grappe d'aiguières en plastique - de celles qui viennent de Chine à prix abordable pour le commun des mortels souhaitant satisfaire aux ablutions avant chaque prière. Je n'ai pas le temps de sortir mon appareil photo qu'il m'a déjà croisée, mais cent mètres derrière il y en a un autre tout pareil. Et là, je suis prête pour vous faire partager la rencontre... non sans me demander quel genre d'organisation lance ainsi des portefaix dans la ville comme une armée en campagne, par tous les temps.

P.S.: A l'heure où j'écrivais ce billet, tranquillement chez moi, un kamikaze se faisait exploser au milieu des spectateurs du centre culturel français, un lieu que je connais bien et dont j'ai rapporté à l'occasion les spectacles tournés vers l'éducation, la culture et la rencontre de l'autre. Mes pensées vont vers ceux qui sont directement touchés par cet attentat, personnels ou spectateurs. Le film projeté spectacle donné au moment du drame visait précisément à dénoncer ces actes de terrorisme. Ne nous laissons pas enfermer dans la surenchère revendiquée par les talibans et poursuivons les actions d'ouverture et de recherche de complémentarité qui seules peuvent désamorcer l'escalade et proposer un avenir pacifique aux Afghans.

2014 déc. 5

Quart d'heure philosophique (pour ne pas dire colonial)

Provisions du jour
Vendredi est le jour du ménage (quand on a le courage) et des courses de proximité (histoire de sortir un peu). Ce matin, outre le ravitaillement de la semaine (biscuits, radis, épinards), j'ai fait le tour du quartier à la recherche de sources d'éclairage. Il n'y a plus dans les magasins pour expatriés que d'horribles chandelles de décoration, de celles qui coulent, fument, et laissent partout des paillettes multicolores pour finir par s'éteindre misérablement. La belle boite à cent afghanis (un euro trente) de vingt bougies blanches de ménage que je viens de trouver dans une échoppe me permettra, j'espère, d'améliorer les soirées sans électricité, beaucoup plus fréquentes que mes précédentes estimations. Ce qui n'est pas surprenant, puisque les infrastructures de développement sont toujours restées en arrière-plan dans les priorités des financements internationaux, loin derrière la sécurité (celle des Occidentaux...) ou la lutte contre la fraude financière (pour rentabiliser au mieux les contrats d'armement). Mais les expatriés dans leurs guest-houses sécurisées n'ont pas ces soucis : il y a toujours un garde sur place pour lancer le générateur quand le secteur vient à faire défaut.

Etal de fruits
Le prisme sécuritaire colore chaque activité, avec un rayon du faisceau différent selon les personnes.
Pour les intervenants internationaux de haut niveau - diplomates, consultants, spécialistes - il est saturé de salaires astronomiques assortis d'énormes primes d'assurance dont la conditionnalité est la restriction féroce de la mobilité, donc l'incapacité d'action et l'incompréhension des enjeux, et partant l'absence totale de pertinence.
Pour les figures politiques afghanes (cibles premières des attentats), pas de kaléïdoscope contractuel ni de parachute doré... Faire vivre leurs familles, éduquer leurs enfants, soigner leur entourage (tout cela aux teintes de l'élite internationale qui y reconnaît ainsi des pairs) tiennent à leur capacité à 'se payer sur la bête'... Peut-on s'étonner dans ces conditions de la volatilité de l'aide ?
Les Afghans de la rue, eux, traversent le damier du jeu que se livrent sur leur sol (et en leur nom !) les puissances internationales. Ils n'en sont qu'un 'dommage collatéral' quand ils ont le malheur de passer au mauvais endroit au mauvais moment. Ils ne voient dans les péripéties de l'installation du gouvernement bicéphale issu de la récente vraie-fausse élection présidentielle que la manifestation habituelle de l'impuissance de l'administration centrale, dont ils n'attendent pas grand chose de toutes façons.
Pour agir sans provoquer les risques - à la hauteur de ceux qu'acceptent les habitants, les collaborateurs étrangers des organisations de développement se fondent dans le paysage, couleur de muraille comme des caméléons : ils habitent ou travaillent dans des bâtiments traditionnels, se déplacent dans des voitures locales, s'habillent comme leurs collègues afghans. C'est ce partage au quotidien de leurs dangers qui permet l'échange de la confiance avec les bénéficiaires des programmes engagés et au final le bénéfice de leur protection.

Mausolée de Tapa-e Bibi Mahruh
Devant ma fenêtre, au versant de la colline qui sert de cimetière au quartier, là où les enfants jouent à faire rouler des pierres dans la pente et où leurs grands frères se rassemblent à discuter accroupis entre les tombes, là où poussent des maisons manisfestement illégales pour accommoder les excédents de population de la ville, juste dans la direction de la lueur qui, l'autre soir, indiquait le lieu d'un attentat contre une guest house d'où l'on a entendu toute la nuit les tirs échangés entre les forces spéciales afghanes et le commando suicide... se dresse aussi le mausolée d'un chef djihadiste révéré par une partie de la population et abhorré par une autre - comme ne peut y échapper aucun de ceux qui ont participé à la guerre civile.

C'est dans sa fonction de président du Conseil pour la paix, nommé par Karzaï en symbole de réconciliation, qu'il est mort dans l'étreinte perfide d'un ambassadeur taliban bardé d'explosifs prétendument venu parlementer. Derrière le drapeau afghan qui le signale (et son lumignon rouge pour hélicoptères) se lève ce soir une superbe et impassible pleine lune.

2014 nov. 26

Méwa

Pomme afghane
Un grand plaisir du retour en Afghanistan, c'est la saveur des fruits et légumes. Ceux qui ne poussent pas chez nous, comme l'incomparable grenade, ou ceux qu'on l'on redécouvre, comme une simple pomme.

Celle-ci m'a été offerte à l'instant par une amie retrouvée, qui tenait absolument à me faire partager la légère collation qu'elle prend en guise de déjeuner. Et maintenant, dans le calme de mon bureau, j'hésite à croquer dedans, parce que le parfum qu'elle exhale suffit à mon bonheur. Merci, Dr. Noor!

Frimas du réveil

Lever de soleil sur Sherpour
Pas tellement l'occasion de sortir des jours-ci, si ce n'est pour saluer amis et collègues, et embellir son carnet de contacts. La ville se laisse glisser doucement dans la froidure. Chaque journée reçoit son lot de coupures d'électricité. Ici à Sherpour, j'ai eu droit à trois soirées noires depuis que je suis arrivée : pas de chauffage, pas d'internet, pas de cuisine - si l'on compte bien, cela fait une soirée sur deux !

Heureusement qu'il y a un léopard sur mon lit pour me tenir au chaud ;)
Couverture en léopard des neiges

2014 nov. 22

Bienvenue à Kaboul...

Atterrissage à Kaboul
...ses montagnes encore sans neige, ses rues encombrées, ses coupures d'électricité, sa plomberie farfelue ;) Bien arrivée, tout est normal ! Trente-six heures pour s'acclimater, ce n'est pas du luxe : la preuve, ma connexion internet est revenue :)

2014 nov. 20

Au revoir le Caire, bonjour Kaboul

En contemplant le Nil
A l'escale d'Istanbul, c'est le moment des souvenirs précieux, comme ces filles perdues dans la contemplation du fleuve au Caire, ou ce dernier coup d’œil sur la gigantesque métropole - où les pyramides brillent par leur absence ;) Mais y a-t-il beaucoup de personnes qui passent leur séjour en Egypte à rencontrer des médiateurs coutumiers ?
Vue aérienne du Caire

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