2014 déc. 25

Bureau à la campagne ?

Fontaine dans le jardin
Vue plongeante sur la fontaine depuis la fenêtre de mon bureau, en ce jour de Noël... il serait mal venu de s'en plaindre, me direz-vous ! Ne pas arroser le gazon, ne pas alimenter le bassin en eau, n'est que mesure de bon sens dans un pays en pénurie permanente. Poser sur la pelouse le générateur qui permet aux employés, pendant les coupures d'électricité, de continuer à remplir les rapports destinés aux financeurs est une preuve d'adaption aux nécessités locales. Partager l'emploi du temps de mes collègues afghans et travailler en ce jour saint, est une marque de solidarité avec eux, dûment soulignée par un cadeau collectif qui améliore l'ordinaire de la cantine : chacun s'est barbouillé consciencieusement du jus des grenades dégustées, et j'en ai profité pour faire une petite étude sur le vif des différentes méthodes de consommation ;)

L'absurde de la situation se manifeste, néanmoins, quand les dits-collègues se retrouvent contraints à contempler la fontaine toute la journée, à défaut de pouvoir mener à bien les missions pour lesquelles ils sont payés. Par exemple, aujourd'hui, il s'agissait de mettre en place une session de formation destinée à des fonctionnaires afghans et payée sur des financements internationaux, ceci avant la clôture définitive des budgets des financeurs, soit le 31 décembre. Pourquoi s'y prendre si tard, pensez-vous ? Parce que l'année entière a été perturbée par l'élection présidentielle et son suspense kafkaïen. Personne ne voulait s'engager sur rien, dans l'attente d'un dénouement qui amènerait un rebond miraculeux à la situation du pays. Mais voilà, le dénouement est toujours en attente : les ministres ne sont toujours pas nommés, la déréliction est à son comble. Il faut bien agir dans l'incertitude pour satisfaire aux obligations contractuelles.

Nos jeunes collègues afghans s'impliquent à fond, cherchent à faire valoir le meilleur des situations. Des dates sont fixées, des convocations sont envoyées. Et patatras, au dernier moment, ce sont les messages des organismes internationaux de sécurité qui poussent l'encadrement à renoncer à l'évènement : "En raison de menaces crédibles visant les guest houses et bureaux des ONG internationales à l'occasion des fêtes de fin d'année, il est recommandé de s'abstenir de mouvements ou d'évènements pouvant attirer l'attention." Il n'y a pourtant aucun participant, aucun formateur étranger à la formation envisagée et prévue dans un centre de conférences kabuli...

Il ne reste plus qu'à se rassembler autour du bassin vide de la fontaine, à le remplir de mégots. La journée se terminerait bien morose si mon retour vers la maison n'avait été égayé. Alors que je passais auprès du tombeau du saint dont j'ai déjà eu l'occasion de vous parler, j'ai été interpellée par une femme en vêtements de fête, en train de faire des offrandes. Elle m'a remis une part des friandises qu'elle distribuait aux passants : de l'halwa sur un morceau de pain chaud croustillant. Délicieux, je savoure en vous écrivant. Joyeux Noël.
Friandise sacrée

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