2012 oct. 20

Kaboul, ville en siège ?

Le tombeau du saint asphalté !

Vendredi, j'ai traversé la ville à pied pour rendre visite à des amis du côté de la montagne de la télévision. Je m'étais promis de saisir l'occasion de cette ballade pour illustrer les grands travaux de rénovation urbaine qui transforment la ville en un vaste chantier, perdu au milieu d'inextricables embouteillages créés par les réfections d'égouts ou asphaltages divers.

Sur une grande avenue transversale, je croyais avoir trouvé le cliché parfait : malgré (ou justement à cause) du jour de repos, une armada de rouleaux compresseurs étaient en train de patiner une couche fraîchement posée, encore fumante du ventre de sa machine. Dans l'autre sens s'agglutinaient les véhicules forcés à se croiser sur la même voie. Alors que je choisissais le meilleur angle pour présenter la puissance de la technologie autoroutière en regard des déboires de la vie kaboulie quotidienne, un soldat afghan équipé en commando (casque, gilet pare-balles, lunettes de vision nocturne, armes de calibres variés et tutti quanti) s'est approché de moi pour signifier qu'il était interdit de prendre des photos. Je m'avisai alors que j'étais justement devant le mur fortifié d'une administration publique, et obtempérai à son injonction.

Pas grave, me dis-je, j'avais répéré sur mon chemin un autre point intéressant, celui où l'ardeur des ingénieurs de travaux publics avait laissé intact le tombeau du saint révéré dans le quartier où j'habite. La rue porte son nom : sarak-é Shahid, rue du Martyr. Les véhicules contournent soigneusement le mausolée traditionnel, où sont toujours déposées des offrandes propitiatoires, et où parfois se prosterne un dévot en quête de rédemption.

Las ! A peine avais-je fait trois clichés qu'un policier s'est approché de moi en poussant sa bicyclette - celui-là même, me semble-t-il, qui s'est incrusté sur l'instantané. Ce que je photographiais avec tant d'insistance, disait-il, se situait juste en face d'un autre bâtiment public, dont le mitraillage (photo) intempestif pouvait être le repérage pour une prochaine attaque terroriste ! Effectivement, caché derrière les arbres, se trouve le siège de la compagnie aérienne nationale... que je n'avais pas remarqué. L'agent pointilleux insista pour visionner une à une toutes les photos stockées sur mon appareil, sous l'oeil goguenard d'un attroupement qui grossissait de minute en minute : je percevais bien que la petite foule m'était favorable, parce que je m'exprimais dans leur langue pour expliquer mon intérêt aux détails de leur environnement. J'ai heureusement réussi à freiner l'ardeur éradicatrice du fonctionnaire.

Ce qui m'a frappé dans ces incidents, c'est le très jeune âge - moins de vingt ans pour sûr - des deux agents de sécurité rencontrés, et leur empressement à appliquer des consignes manifestement calquées de celles pratiquées par leur mentors militaires américains : c'est le signe de l'inquiétude grandissante du gouvernement, sinon de la population.

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