2015 nov. 26

Etat d'urgence

Difficile de montrer les réalités de la vie dans une ville en guerre. Quoi de plus serein en effet qu'un ciel de début d'hiver, dont le soleil couchant illumine les montagnes vers l'est... mais pas que ! Cet insecte blanc en haut de la photo, accroché à un câble deux cents mètres au-dessus du palais présidentiel (...ou de l'ambassade américaine, au choix ;) ), contient une panoplie d'instruments électroniques destinés à surveiller déplacements et communications suspects. Un tel engin avait été testé et utilisé avec succès à Tagab à l'époque de l'intervention française, jusqu'à ce que les insurgés le descendent à coup de rockets.
Mouchards dans le ciel
Les Kaboulis - après les Tagabis deux ans plus tôt - ont appris à vivre sous l’œil du cyclope, auquel un jumeau a été attribué - on le voit un peu plus loin, au raz de l'horizon à droite de la photo, au-dessus de la zone où sont rassemblés les camps militaires sur la route de Djallalabad. En examinant attentivement la photo toujours vers l'horizon, on remarque aussi deux insectes noirs rasant les bâtiments : deux hélicoptères en patrouille.

S'habitue-t-on à être surveillé, mesuré, écouté en permanence ? Cela améliore-t-il réellement la sécurité au quotidien ? Est-ce un outil indispensable pour aller vers la paix ? Ce n'est pas l'expérience des Kaboulis. Aujourd'hui encore, je discutais avec des professionnels afghans, dans le cadre d'un programme de protection de l'enfance. Leur premier souci, à titre personnel, c'est qu'aucun système de protection sociale n'existe pour leurs familles si un malheur devait leur arriver. Homme ou femme, leur salaire fait vivre toute une famille. Leur voisinage les jalouse comme des nantis parce qu'ils ont la chance d'avoir du travail, ce qui les met au risque d'un enlèvement crapuleux. Et même ces pauvres avantages - un revenu mensuel de deux ou trois cents dollars - sont en train de leur glisser entre les doigts, avec l'extinction de la plupart des programmes d'aide internationale. Oui, il y a urgence. Elle nous concerne tous.

Commentaires

1

Toujours aussi magnifique et interpellant ton blog Agate.

J'espère que l'action que tu développes inlassablement avec d'autres coopérants fassent que la situation de ce peuple utilisé et maltraité depuis près de 40 ans s'améliore, ne serait-ce qu'un peu.
Qu'ils puissent enfin accéder à quelques droits et protections fondamentaux.
As-tu un espoir?
Vois-tu des personnalités ayant la dimension, la volonté, la force de caractère, l'intégrité et une vision politique pour ce pays?

Amicalement, bon courage

Bingo35

Gauhar : Salut Bingo, merci pour ton soutien ! Mon énergie se concentre en ce moment sur l'argumentaire d'une protection sociale universelle et inconditionnelle pour les populations en zone de crise, à financer par la solidarité internationale. Ce serait, à mon sens, le signal d'un changement politique fondamental et nécessaire. Laisser aux États la responsabilité de notre sécurité collective, c'est nous enfermer dans le nationalisme et l'affrontement pour les ressources. Une lueur d'espoir ? Interpellés par la naissance de leurs rejetons, des philanthropes (?) comme Zuckerberg ou Gates manifestent leur intention de réaffecter leur richesse (en elle-même un signal de dérèglement) à des actions humanistes. A nous de leur faire valoir la réelle solidarité humaine.

Aucune personnalité locale ne peut à elle seule transformer l'avenir d'une région du monde coincée entre les intérêts des grandes puissances. La guéguerre interne des talibans - Molla Akhtar Mansour vient de se faire dégommer - en est un épiphénomène et un symptôme comme un autre.

PS: Si tu es un bon lecteur, tu peux aussi t'attaquer à la lecture de mon dernier bouquin ;)


Le dimanche 6 décembre 2015, 00:42 par Bingo35

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