2007 janv. 12
A propos des bouddhas de Bamyan
10:26 - Par Gauhar - Saison 3 - Lien permanent
Cette photo n'est pas de Bamyan, où je ne suis encore jamais allée : c'est un des paysages de la route Kaboul-Djallalabad. Mais c'est mon prof de dari, M. Wahid, qui me donne des nouvelles des bouddhas, ou tout du moins celles que diffuse la télévision nationale. C'est que les gravats des majestueuses statues taillées dans le rocher rose ...
... des falaises de la vallée de Bamyan font partie du contentieux de plus
en plus lourd qui sépare l'Afghanistan du Pakistan.
La crise entre les deux pays se focalise en ce moment sur le projet
pakistanais de miner (!) leur frontière commune (qui ne fait pas moins de 1200
kilomètres) pour se prémunir contre les accusations d'entretenir les attaques
de talibans en territoire afghan. Outre que l'Afghanistan est le pays le plus
miné au monde, que la campagne de déminage en cours ne peut envisager de se
terminer en moins de dix ans, que la frontière a été tracée arbitrairement par
les Anglais au dix-neuvième siècle dans leur seul intérêt (celui de diviser les
populations locales pour dominer cette partie du monde), que les-dites
populations locales, les Pachtounes, revendiquent farouchement leur unité
(sinon leur indépendance) et commencent à prendre conscience qu'elles sont les
otages d'un jeu qui les dépasse, on peut penser que le minage, s'il avait
effectivement lieu, non seulement s'avèrerait totalement inefficace, mais de
plus provoquerait des réactions violentes contre le gouvernement pakistanais et
son ambition affichée de ramener le calme dans ces régions.
Quel rapport avec les bouddhas de Bamyan, dont le site est en plein centre
de l'Afghanistan, à trois cents kilomètres du Pakistan ? Eh bien, c'est
qu'une interview à la télévision afghane d'un ministre pakistanais discutant de
la question du minage le montrait dans son bureau, entouré d'objets
d'antiquités pré-islamiques, que les Afghans revendiquent comme faisant partie
de leur patrimoine. Et alors ?
Alors, reprenons du début. Les bouddhas de Bamyan sont généralement datés
des premiers siècles après J.C. Un voyageur chinois du sixième siècle en fait
mention dans son carnet de route, et leur site était un lieu de pélérinage
renommé dans tout l'univers bouddhiste. L'islam s'est implanté en Afghanistan
dès le huitième siècle après J.C., et a toujours préservé ces magnifiques
témoins d'une culture ancienne... jusqu'aux talibans (que l'on soupçonne d'être
le bras armé des services secrets pakistanais).
M. Wahid, et avec lui l'élite intellectuelle afghane, soutient que si les
talibans se sont attaqués aux bouddhas, ce n'est pas à cause de leur inculture
fondamentaliste (même si elle est incommensurable !), mais parce que les
Pakistanais les avaient convaincus de récupérer les trésors qu'avait amassés
derrière les statues géantes l'un des empereurs afghans, Mahmoud de Ghazni
(onze/douzième siècle, je dirais...). Ces richesses proviendraient des nombreux
raids de pillage que Mahmoud a menés dans la plantureuse vallée de l'Indus,
territoire actuel du Pakistan. Outre les bijoux, métaux précieux et autres
joyaux qui constituaient le magot (que se sont approprié les talibans), s'y
trouvaient également de nombreux artefacts, statuettes et objets antiques que
les talibans ont dédaignés, mais qui ornent maintenant les lieux du pouvoir
pakistanais.
On voit que ces polémiques ne datent pas d'hier. On peut néanmoins y voir des raisons d'espérer qu'un jour les gouvernements de la région se réjouiront de leur histoire et leur culture commune, au lieu d'en faire un objet d'affrontements.
Commentaires
Excellent, enfin je peux voir ce blog. C'est Nicolas, tu sais, le fils de L... Merci de nous faire partager tes impressions. Cette théorie sur le bombardement des bouddhas de Bamian est proprement stupéfiante !
Je regarderai plus en détail ton blog où je retrouve avec émotions les paysages et autre nom de lieux magnifiques que nous avons eu la chance de pouvoir admirer en juin dernier.
Je t'embrasse, Nico.
Le mardi 30 janvier 2007, 10:26 par Nico