2007 mar. 7

Course de vitesse

Lessive de printemps

Qui va prendre le dessus ce printemps ? Les rivières sont pleines de l'eau et la neige qui ont dégringolé du ciel tout l'hiver, après près d'une dizaine d'années de sécheresse. Alors que son flanc nord est toujours couvert de neige, le flanc sud de Kolola Pushta, la colline ornée d'une forteresse au beau milieu de la ville, s'est couvert d'un duvet vert tendre comme le blé...

... Les ingénieurs agronomes disent que cette année peut-être les cultures vivrières seront plus profitables aux petits fermiers que le pavot. Et pourtant on apprend aussi que les quelques arbres qui subsistent dans Kaboul sont consciencieusement et nuitament abattus par des pillards, car leur bois serait acheté à prix d'or au Pakistan, tout comme l'avait été le cuivre des circuits électriques au plus fort de la guerre civile. On dit que ces rumeurs sont lancées pour provoquer la destruction du pays par ses propres habitants à la recherche de quelques sous pour nourrir leurs familles.

Voyons par exemple Rabia, la cuisinière du bureau d'AD. Veuve depuis une dizaine d'années, elle nourrit ses six filles, dont les aînées vont à la fac. Elle a beaucoup de chance d'avoir trouvé cet emploi quand elle est arrivée à Kaboul il y a trois ans. Il y a deux semaines, elle a demandé une grosse avance sur son salaire pour pouvoir déménager dans une maison plus salubre. Et le lendemain d'un emménagement qui l'avait exténuée, elle est arrivée au bureau catastrophée. Ses appareils électriques, et en particulier la télévision, ont sauté au branchement parce que les transformateurs du quartier ne sont pas capables d'assurer un voltage régulier. Elle en pleurait.

Je vous avais aussi promis des nouvelles de Chekeba. Elle allait bien, jusqu'à hier soir... Pour avoir été assidue depuis presque trois ans aux cours du centre de Qala-e Wakil, elle a atteint le niveau six de l'école afghane, et doit donc être réintégrée à l'école publique (au niveau du collège chez nous) à la nouvelle rentrée scolaire, le 21 mars prochain. Sa mère, sa grand-mère, son frère l'y encouragent. Seulement voilà... Un oncle, frère du défunt papa, a mis son veto à cette idée. Et en Afghanistan, parole d'homme vaut condamnation. Hier soir, Chekeba a avalé la boîte de mort-aux-rats. Je vous rassure, sa famille ne l'a pas laissée comme ça... et après un lavage d'estomac, Chekeba est rentrée chez elle. C'est pour que des gamines éveillées et fonceuses comme Chekeba ne se trouvent pas étouffées par le machisme et la misère que AD met en place des formations professionnelles. L'apprentissage de la couture serait pour elle un juste milieu entre l'enfermement traditionnel et l'indépendance inatteignable.

Le printemps arrive, et les forces internationales ont lancé leur opération "Achille" dans le sud du pays. Il faut sécuriser le barrage de Kajaki, un grand ouvrage qui date de l'ère soviétique et qui permet l'irrigation des vallées cultivées autour de Kandahar. C'est stratégique, proclame le porte-parole de l'ISAF. Mais les talibans et autres insurgés aussi profitent du beau temps. Il y a deux jours, à Jallalabad, un convoi américain a été pris dans une embuscade déclenchée en pleine ville par un attentat suicide à leur approche. Les Marines, des forces spéciales disent les comptes-rendus, se sont énervés. Pour se dégager, ils ont tiré indistinctement dans la foule. Bilan : seize morts et plus d'une soixantaine de blessés.

Qui va gagner ?

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