2007 mar. 7
Course de vitesse
17:58 - Par Gauhar - Saison 3 - Lien permanent
Qui va prendre le dessus ce printemps ? Les rivières sont pleines de l'eau et la neige qui ont dégringolé du ciel tout l'hiver, après près d'une dizaine d'années de sécheresse. Alors que son flanc nord est toujours couvert de neige, le flanc sud de Kolola Pushta, la colline ornée d'une forteresse au beau milieu de la ville, s'est couvert d'un duvet vert tendre comme le blé...
... Les ingénieurs agronomes disent que cette année peut-être les cultures
vivrières seront plus profitables aux petits fermiers que le pavot. Et pourtant
on apprend aussi que les quelques arbres qui subsistent dans Kaboul sont
consciencieusement et nuitament abattus par des pillards, car leur bois serait
acheté à prix d'or au Pakistan, tout comme l'avait été le cuivre des circuits
électriques au plus fort de la guerre civile. On dit que ces rumeurs sont
lancées pour provoquer la destruction du pays par ses propres habitants à la
recherche de quelques sous pour nourrir leurs familles.
Voyons par exemple Rabia, la cuisinière du bureau d'AD. Veuve depuis une
dizaine d'années, elle nourrit ses six filles, dont les aînées vont à la fac.
Elle a beaucoup de chance d'avoir trouvé cet emploi quand elle est arrivée à
Kaboul il y a trois ans. Il y a deux semaines, elle a demandé une grosse avance
sur son salaire pour pouvoir déménager dans une maison plus salubre. Et le
lendemain d'un emménagement qui l'avait exténuée, elle est arrivée au bureau
catastrophée. Ses appareils électriques, et en particulier la télévision, ont
sauté au branchement parce que les transformateurs du quartier ne sont pas
capables d'assurer un voltage régulier. Elle en pleurait.
Je vous avais aussi promis des nouvelles de Chekeba. Elle allait bien,
jusqu'à hier soir... Pour avoir été assidue depuis presque trois ans aux cours
du centre de Qala-e Wakil, elle a atteint le niveau six de l'école afghane, et
doit donc être réintégrée à l'école publique (au niveau du collège chez nous) à
la nouvelle rentrée scolaire, le 21 mars prochain. Sa mère, sa grand-mère, son
frère l'y encouragent. Seulement voilà... Un oncle, frère du défunt papa, a mis
son veto à cette idée. Et en Afghanistan, parole d'homme vaut condamnation.
Hier soir, Chekeba a avalé la boîte de mort-aux-rats. Je vous rassure, sa
famille ne l'a pas laissée comme ça... et après un lavage d'estomac, Chekeba
est rentrée chez elle. C'est pour que des gamines éveillées et fonceuses comme
Chekeba ne se trouvent pas étouffées par le machisme et la misère que AD met en
place des formations professionnelles. L'apprentissage de la couture serait
pour elle un juste milieu entre l'enfermement traditionnel et l'indépendance
inatteignable.
Le printemps arrive, et les forces internationales ont lancé leur opération
"Achille" dans le sud du pays. Il faut sécuriser le barrage de Kajaki, un grand
ouvrage qui date de l'ère soviétique et qui permet l'irrigation des vallées
cultivées autour de Kandahar. C'est stratégique, proclame le porte-parole de
l'ISAF. Mais les talibans et autres insurgés aussi profitent du beau temps. Il
y a deux jours, à Jallalabad, un convoi américain a été pris dans une embuscade
déclenchée en pleine ville par un attentat suicide à leur approche. Les
Marines, des forces spéciales disent les comptes-rendus, se sont énervés. Pour
se dégager, ils ont tiré indistinctement dans la foule. Bilan : seize
morts et plus d'une soixantaine de blessés.
Qui va gagner ?