2007 juil. 27

Le roi est mort, vive l'Afghanistan !

Au flanc de la montagne de la télévision, la maison de Tamana

Hier, après trois jours sans activité en raison des funérailles du roi, nous nous sommes rendus avec des journalistes chez Tamana, la jeune gagnante du concours de dessins de la Commission européenne sur l'égalité hommes-femmes. Comme des milliers de familles à Kaboul, la sienne est installée à flanc de montagne...

... dans une construction sauvage qui ne dispose pas d'eau, et où l'électricté provient souvent de branchements pirates. La maison est partagée par trois familles. Tamana, après une timidité initiale bien compréhensible, a expliqué sans détours qu'une de ses tâches consiste à aller chercher l'eau en bas de la montagne.

Selon la coutume, sa mère ne s'est pas montrée de tout le temps où nous étions chez eux. Son père était à son travail quotidien de chauffeur de taxi, et c'est donc un de ses oncles qui faisait figure d'autorité au beau milieu de la ribambelle des enfants qui se pressaient autour de Tamana pour participer de sa célébrité, dans un joyeux brouhaha.

Pour nous, responsables des centres d'accueil de jours d'Afghanistan Demain, dont celui de Deh Mazang où elle reçoit depuis six mois des cours de rattrapage scolaire, la nomination de Tamana comme gagnante du concours avait posé un cas de conscience. C'est que son dessin représentait une scène de violence domestique... et l'on ne pouvait écarter l'hypothèse qu'il lui aurait été inspiré par une situation personnelle, et que la publicité faite à son dessin lui fasse prendre des risques. Notre enquête a montré que ce n'était heureusement pas le cas, et que son dessin répondait bien à l'objectif de la Commission européenne : sensibiliser, à travers des dessins d'enfants, aux droits, devoirs et difficultés de l'égalité des sexes.

Je ne peux m'empêcher de faire une association d'idée avec la mort du vieux roi Zaher Shah. Depuis trois jours donc, les commentaires vont bon train, en public comme en privé, sur ce que représentait pour l'Afghanistan ce monarque qui hérita du trône à l'âge de 19 ans, et sût, dans les dix années de son règne personnel entre 1963 et 1973, encourager l'épanouissement de ses sujets grâce à une démocratie éclairée. Bien sûr, les opinions varient selon le point de vue - ethnique - de celui qui l'exprime mais cette époque est généralement considérée comme l'âge d'or de l'Afghanistan, avant la longue dégringolade dans la violence. Comme je viens de l'entendre : "A son époque, on n'avait pas peur. Maintenant, on a toujours peur de quelque chose."

Il y a pourtant un point noir. Le jeune et séduisant Zaher, lui-même éduqué au lycée Janson de Sailly à Paris, avait encouragé le dévoilement des femmes et l'éducation des jeunes filles, renouvelant par là l'initiative avortée du roi Amanullah Khan dans les années 20. Les chroniques rapportent, et cela m'a été confirmé par des témoignages d'époque, que la voiture de Zaher Shah faisait la sortie des écoles de jeunes filles pour y repérer les plus jolies, et les lui amener pour des soirées de plaisir. Que devenaient-elles ensuite ? Elles se suicidaient, ou alors restaient recluses dans leurs familles, auxquelles seuls le silence et le secret pouvaient éviter la honte.

Un rapport avec le dessin de Tamana ?

Commentaires

1

Il ne faut pas croire tout ce qu'on vous dit, ma chère...
De quelles chroniques parlez-vous ?
Colporter pareille calomnie quant aux moeurs du roi n'est pas digne de votre degré d'instruction...j'en suis réellement navré et me réserve le droit de transmettre votre salace conclusion à qui de droit.

Réponse de Gauhar: Cher Monsieur, je vous remercie de votre commentaire, car j'attendais l'occasion de préciser ma pensée. Je ne rapporte effectivement que des propos qui m'ont été tenus de vive-voix, par différentes personnes habitant à Kaboul à l'époque où le roi était au pouvoir. Les précisions qui les accompagnaient témoignent soit d'une réalité factuelle, soit d'un fantasme afghan collectif. Il est facile effectivement de détruire l'image de quelqu'un, surtout quand cette personne est un monarque démocrate et non autoritaire. Pour moi, cette histoire est significative des peurs inconscientes et des traditions de la société afghane, notamment en ce qui concerne les femmes. Ceux qui la colportent sous le manteau entretiennent l'idée qu'il est dangereux pour une femme de sortir de chez elle. C'est une grave violence morale à l'égard des femmes (et c'est là le rapport avec le dessin de Tamana). Par contre, en parler publiquement est un premier pas pour dépasser le fantasme, évaluer la réalité et l'affronter grâce à l'éducation pour tous et toutes et avec la protection des institutions.


Le mardi 21 août 2007, 17:44 par Yossof Ahmad

2

bien repondu gait, je reconnais ta reactivité!
mais ce monsieur a aussi raison sur le respect du à tout homme mort
bisous

merci, à bientôt, G.

Le mercredi 12 septembre 2007, 15:15 par xavier

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