2008 sept. 16

Kaboul sur Seine

Sama à la poursuite des pigeons parisiens

La semaine dernière, c'était réunion afghane à Paris...

La semaine dernière, c'était réunion afghane à Paris. Des amies, il en est venu de Kaboul, d'Allemagne et du monde entier (par la pensée et le téléphone). Trois générations se sont retrouvées sous mon toit. Alors que je faisais les honneurs de la capitale, un certain nombre d'incidents sont pourtant venus assombrir l'humeur festive.

Déjà, en arrivant au pied de la Tour Eiffel, nous avions été assiégées par les colporteurs qui voulaient fourguer leurs marchandises. Alors que Hadjera avait déjà acheté quelques babioles, Rachida continuait à être importunée et avait l'air désemparé, empêtrée qu'elle était dans sa poussette pour presser le pas, et incapable de répondre puisqu'elle ne parle pas Français. Je m'adressai alors à l'homme, en lui demandant de la laisser tranquille. Il me répondit avec mépris : "Ce n'est pas à toi que je parle, ça ne te regarde pas !" J'ai dû hausser le ton pour qu'il comprenne que je défendais la tranquillité d'une invitée.

Il y eut aussi l'incident des berges de la Seine. Alors que nous étions assises à contempler le fleuve, l'une de mes invitées s'est levée pour prendre le groupe en photo. Un homme en costume, apparemment sorti de l'un des bateaux-mouches amarrés un peu plus loin, s'est approché pour crier : "Ah non ! Pas ici ! Partez !" Surprise, je me suis avancée vers lui et lui ai demandé poliment : "Ah bon, c'est interdit de prendre des photos ? Je ne vois pas de panneau et je croyais que c'était une promenade..." Il a expliqué en maugréant : "Ah, pardon, il y a des Roms qui descendent ici pour faire la manche auprès des clients..." Il avait, sur le seul indice de ses longs cheveux bruns, pris Rachida pour une mendiante, et il défendait son commerce ! Ma honte et ma gêne ont redoublé.

Le lendemain, enfin, il y eut le retour vers la Gare de l'Est, et nous étions six à attendre le RER, avec enfants, poussette et beaucoup de bagages. Vu l'heure, il y avait très peu de monde sur le quai. La rame s'arrêta et les portes se sont à peine ouvertes que le signal de fermeture sonnait déjà. Pour accélérer le mouvement, nous montions dans deux portes différentes, et pourtant la porte se referma sur la poussette (avec le bébé dedans !), alors qu'il restait encore deux personnes sur le quai. Malgré mes cris, le conducteur ne s'est pas donné la peine de regarder ce qui se passait, il a fait l'annonce standard : "Veuillez ne pas empêcher la fermeture des portes !" sans même débloquer le système de fermeture. Nous avons dû batailler à deux pour débloquer la poussette et permettre à tout le monde de se retrouver dans la voiture. Je suis atterrée.

Atterrée, parce que ces trois incidents sont la preuve flagrante que notre environnement est devenu agressif, sinon hostile à toute forme d'activité qui n'est pas totalement formatée, orientée vers la production économique. Atterrée parce qu'ils ne sont que la partie émergée d'un iceberg dont les plus grosses menaces s'appellent intolérance, exclusion, racisme, guerre. Atterrée parce que ces signaux ont résonné lugubrement quand le train vers l'Allemagne a été annoncé avec du retard "en raison d'un accident de personne", un euphémisme comme chacun sait. Atterrée parce que c'est l'ensemble de la société, où la convivialité devient suspecte, qui est ainsi entraînée vers le suicide.

Mes amies sont arrivées à bon port, je vous rassure. Mais ma honte est incommensurable.

Commentaires

1

Bravo pour ton blog dont je viens de trouver le lien sur le blog des cousins. Tes photos sont superbes et la vie parisienne doit te paraitre bien fade après tes expériences afghannes. Surtout vu comment on traite les "différents" dans notre pays. Merci d'avoir suivi nos aventures pékinoises avec Flo.
Bisous à toi et peut être un jour??
Ta cousine Joële

Merci Joële, je vous embrasse.

Le mardi 7 octobre 2008, 19:40 par Joële B

2

Vive la France, pays des droits de l'homme... Il est temps d'enlever ce qualificatif... Les gens sont paumés, voilà bien la seule excuse qui peut expliquer qu'ils se sentent agressés immédiatement... Prendre le temps de réaliser ce qui se passe et tirer des conclusions en gardant une ligne de conduite qui invite au respect et à la mesure. Putain de conducteur tiens !
Quand on connaît l'hospitalité et l'accueil afghans, je comprends la honte qui a pu te submerger...
Je t'embrasse et vas-tu y retourner bientôt ?

Merci, Nico, je sens que tu comprends... Des discussions sont en cours pour ma participation à des projets de développement communautaire. J'espère y retourner avant le début de l'hiver..

Le vendredi 17 octobre 2008, 11:02 par Nico

3

Quand tu penses, qu'on est des étrangers dans sa propre famille, comment cela pourrait-il être autrement, à l'échelle des peuples? Néammoins, j'admire ton combat et trouve ta révolte bien légitime, au regard des souffrances endurées, par le peuple afghan, mais il reste cependant une question, sans réponse: Pourquoi le chef de rame, ferme t'il la porte à ses propres enfants? A méditer! Bon courage, pour ton action, ne soyons pas défaitistes! Bises, FRED

Le mercredi 26 novembre 2008, 14:26 par Archambeaud Frédérique

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