2011 mai 30

Les étoiles de Kaboul

Merci à vous, beautés stellaires, qui illuminez nos pensées...

Vue de mon balcon

Les amoureux du nouveau cinéma afghan savent qu'il y existe peu de vedettes féminines. Beaucoup auront gardé le souvenir de la touchante Marina Golbahari, la fillette sans nom et quasiment sans voix qui se déguisait en garçon pour aller à l'école. Ses copains la surnommaient "Osama", en une sorte d'exorcisme, avant qu'elle ne finisse tragiquement entre les bras concupiscents d'un vieux molla (un film de Siddiq Barmak, 2004).

Barmak Akram n'a pas plus donné de nom en propre ni de dialogue au personnage féminin de son récent long métrage, "L'enfant de Kaboul" (2009). La femme du chauffeur de taxi se prend d'affection pour le beau bébé abandonné dans la voiture de son mari, avant d'y renoncer parce que sa mère naturelle a voulu le retrouver. Les regards implorants de l'actrice restent gravés dans les mémoires.

Chez Atiq Rahimi, l'égérie est aussi muette. Mais elle porte le nom de l'aînée des enfants du prophète Mohammed, Zainab, et hante les souvenirs du héros de "Khak o khakestar", "Terre et cendres" (2003). On entrevoit la jeune femme dans les flammes d'un hammam bombardé, silhouette fugitive et finalement écrasée par le poids de la tradition qui refuse la nudité.

Le spectateur étranger à l'Afghanistan se méprendrait à penser que la rareté des femmes à l'écran est une preuve du mépris supposé de la société afghane. C'est en creux, dans les obsessions des hommes, dans la puissance des apparitions de leurs compagnes, dans la centralité de leurs personnages, que l'on comprend le déchirement, les blessures internes de structures sociales à bout de souffle qui cherchent à faire valoir leurs membres les plus vulnérables en leur désignant une protection dans l'enfermement.

En dînant l'autre soir avec Atiq, Barmak et leurs actrices, on baignait dans cette poussière d'étoiles qui émane de l'embrasement de la complicité, du pétillement de la création. Merci à vous, beautés stellaires, qui illuminez nos pensées quand nos regards survolent le ciel de Kaboul. Et si je ne donne pas ici vos noms, c'est pour me complaire dans la coutume afghane qui veut que la protection d'une femme commence par le secret de son nom. Les curieux n'auront qu'à aller voir les films que j'ai cités ;)

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