2015 janv. 19

Intermède républicain

Une recherche tendue par les désirs de productivité et de rationalité du développement et néanmoins suspendue pour motif républicain... Un macrocosme en émoi sous les coups de boutoir conjugués de la provocation libertaire, de la violence tragique et insensée et de la volonté de contrôle communautaire... Un devoir républicain dont j'anticipe l'intérêt autant inédit qu'inopiné, qui me vaut quatre semaines de passage en France dont je vais essayer de vous faire partager les péripéties.

Ce matin donc, à neuf heures pétantes alors qu'une de la quarantaine de personnes présentes s'emportait déjà dans une diatribe contre l'incurie de l'Administration, la porte de la Cour d'Assises des Hauts de Seine s'est ouverte pour l'appel des citoyens convoqués pour être jurés des affaires de sa deuxième session de l'année 2015. J'en étais. Depuis l'inauguration de ce blog, j'ai fait du carnet de voyage, des billets d'humeur, de la chronique théâtrale, du débat géo-politique, de la photo folklorique. La période qui vient me verra chroniqueuse judiciaire. J'aurais pu, quand la convocation est tombée dans ma boîte aux lettres de banlieue parisienne alors que j'étais arrivée à Kaboul depuis à peine une semaine, arguer avec succès auprès des autorités compétentes de mon indisponibilité pour mission à l'étranger. J'ai préféré saisir l'occasion de vivre une expérience inattendue, originale et présentant pourtant une complémentarité évidente avec les activités en cours actuellement en Afghanistan. Confronter la justice rendue au nom du peuple français et celle vécue par la population afghane. La logique pénale et la logique réparatrice. La défense de l'individu et la recherche du consensus.

Le groupe des jurés potentiels - à tirer au sort au début de chacune des cinq affaires qui seront traitées - s'est déroulé devant la greffière, rousse pétillante et énergique, agitant sa robe au-dessus de monceaux de dossiers dans lesquels elle entassait les justificatifs des frais de chacun d'entre nous. Mais non, je ne serai pas remboursée de mon avion depuis Kaboul, seulement du RER pour venir au tribunal depuis chez moi chaque matin... La greffière passe quelques coups de téléphone à ceux qui semblent avoir mangé leur convocation... on les verra arriver essoufflés d'ici la fin de la matinée, affolés à la perspective d'être pénalisés d'une amende "pouvant atteindre 3.750 euros". Ses explications collectives s'achèvent par l'injonction claire de se lever quand la Cour entre dans la salle d'audience.

Une sonnerie retentit. La Cour entre. Nous nous exécutons ;) et la Présidente proclame l'audience ouverte. Entre revue des jurés, demandes de dispenses - principalement des hommes, délibérations en conséquence, harangue ad-hoc et film d'initiation, cette petite plaisanterie nous a menés largement au-delà de l'heure du déjeuner. Nous sommes libérés jusqu'au lendemain, même heure... pour "une expérience qu'on n'oublie pas !"

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