2016 mai 8
Maison blanche
13:41 - Par Gauhar - Saison 13 - Lien permanent
Comme Washington, comme Moscou, Kaboul aussi a sa "maison blanche". C'est le
bâtiment de sept étages qui abrite les services du Conseil des ministres, juste
en face du ministère de la Défense, à walking distance du palais
présidentiel ou encore de l'ambassade de France. Bien qu'y étant conviée ce
matin pour rencontrer une haute personnalité, je ne vous en propose aucune
photo car elle fait partie des lieux interdits histoire de ne pas donner
d'éléments aux terroristes. Voici plutôt donc la tempête de poussière qui a
suivi peu après sous mes fenêtres...
De l'exercice, je garde un goût amer. Mon interlocuteur a profusément souscrit
à l'argument de ma recherche : pour redonner confiance à la population
afghane écrasée par les intérêts des empires mondiaux, un projet de protection
sociale initié avec des financements privés internationaux est bienvenu.
Pourtant, quand il s'agit de lui demander d'agir pour solliciter des soutiens
symboliques de haut niveau - le président et le chef de l'exécutif -
conjointement afin de dépasser le blocage politique actuel, il dégaine son
argumentaire de bureaucrate entranché dans la logique tribale : "pour être
convaincant, votre projet doit avoir une équipe..." Comprendre : "alignez
donc quelques fonds qui bénéficieront à nos affidés !"
Je lui explique que je compte mobiliser localement des groupes de travail
bénévoles qui feraient émerger des idées nouvelles et dessineraient un projet
pilote avant d'espérer convaincre les grands donateurs. Il me faudrait circuler
librement, avec un visa de longue durée plutôt que des visas de tourisme à
chaque visite. "Même moi, quand je dois aller en Europe, j'attends des semaines
avant de recevoir mon visa ! Les règles sont les règles," semble-t-il
mettre un malin plaisir à me sussurer. C'est le badal, la loi du
talion... Mais il est prêt à me faire "parrainer" au ministère des Affaires
étrangères, pour que je reçoive un statut de consultante-chercheuse dépendant
de ses services. Auquel cas le projet tomberait dans son escarcelle, bien sûr,
avec tous les éventuels bénéfices politiques et financiers !
Le serpent se mord la queue. Les cadres gouvernementaux afghans savent qu'ils
sont les jouets d'un jeu qu'ils ne maîtrisent pas. Ils ont appris à y survivre
en en tirant les ficelles, en ramassant les miettes de la politique du chaos
menée par la Maison blanche américaine. Les tempêtes de poussière sont leur
élément naturel.