2006 oct. 22

Livret de circulation ?

A Kaboul circulent plusieurs centaines de milliers de véhicules. La ville peut à peine les contenir, mais là n'est pas mon propos du jour. Le ministère de l'intérieur délivre des carnet de circulation à tous les véhicules immatriculés dans la capitale. Chaque année, l'heureux propriétaire doit le faire viser auprès des autorités compétentes, et le coup de tampon coûte 2000 afghanis, soit environ 33 euros. Quant vient le moment de renouveler son autorisation...

...il faut néanmoins se munir de beaucoup plus que ça... Cinq cents pour pouvoir se garer dans le parking de l'administration concernée. Cinq cents pour passer chacun des contrôles de sécurité... (On sait - ou l'on ne sait pas - que le ministère de l'intérieur est une cible favorite des talibans, et il y a moins de deux semaines, un kamikaze s'est fait exploser à l'un des ces contrôles, causant 12 morts et une quarantaine de blessés). Et deux mille pour chacun des trois fonctionnaires qui doivent valider l'autorisation, faute de quoi le précieux document pourrait rester coincé des jours en attente d'une manifestation d'intérêt.

Une ONG qui a besoin d'un véhicule en règle se trouve dans l'obligation de subir ces petits trafics, justifiés en comptabilité par un vague relevé de frais divers. Quant on sait qu'un salaire de fonctionnaire est de l'ordre de cinquante dollars, on comprend d'ailleurs que cette corruption généralisée est un des moyens de faire circuler l'aide internationale à tous les échelons de la société. Car sinon, comment les montants bloqués dans les ministères incompétents arriveraient-ils au petit peuple ?

La question de la corruption en Afghanistan, qui avait été quasiment nivelée par l'autorité talibane, est repassée au premier plan avec l'arrivée d'expatriés campés sur leur niveau de vie impensable ici. Les talibans ont beau jeu maintenant de dénoncer un régime afghan soutenu par le pays le plus riche du monde, et pourtant incapable de le faire décoller sa propre population de l'échelon des cancres du développement.

A défaut de favoriser une circulation fluide des véhicules en ville, notre livret autoriserait donc des mouvements de capitaux verticaux dans l'échelle sociale afghane. A quand un livret de circulation du niveau de vie entre les pays ?

Commentaires

1

Merci de nous faire vivre un peu, avec vous, votre mission, à travers ce bloc-note. La corruption ? Et si, pour la comprendre, on la traduisait par vénalité ? Ca ne transforme pas l'action en vertu, mais ça introduit un peu d'indulgence, surtout lorsqu'on se remémore nos pratiques occidentales courantes d'il y a 2 ou 3 siècles, c'est à dire hier. Ph. et C. R.

Le lundi 23 octobre 2006, 09:00 par Catherine et Philippe R.

2

Ce que la presse et la politique appellent corruption, ce que vous comprenez comme vénalité, serait plutôt à mon sens l'expression de l'instinct de survie de toute une population écrasée par des décennies de guerre et placée quasiment du jour au lendemain devant les vitrines de la société de consommation sans pouvoir en atteindre les richesses. La misère est bien une réalité en Afghanistan. Corruption n'est qu'un mot destiné à éviter de s'en sentir responsable. Amitiés, G.

Le vendredi 24 novembre 2006, 12:34 par Gauhar (réponse à Ph. et C.)

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