2016 mai 16
Etat de siège
04:17 - Par Gauhar - Saison 13 - Lien permanent
Le petit jour est comme un autre, radieux sur les collines, avec les vols de
pigeon qui piquettent le ciel de leurs circonvolutions... Mais ce qui me
réveille vraiment, c'est le calme inhabituel à ma fenêtre pourtant grand
ouverte sur la fraîcheur de la nuit. Et puis je me souviens... Hier soir, alors
que Shekeb me raccompagnait après le dîner partagé dans sa famille, nous avons
trouvé le début de ma rue - l'avenue de Sherpour - bloqué par un conteneur posé
en travers de la chaussée, au carrefour du Shahid. Il n'y était pas deux heures
auparavant quand Shekeb était venu me chercher. L'Ambassade avait alerté :
"Une importante manifestation est prévue demain lundi 16 mai dans la ville de
Kaboul. En raison de la multiplicité de ses points de départ et de l’ampleur du
dispositif de sécurité qui a été prévu, la circulation pourrait se révéler très
difficile voire impossible."
Au lieu de klaxons et bruits de moteur, ce sont donc claquements de sabots sur
le macadam et annonces de policiers au mégaphone qui troublent l'ambiance
sonore quasi champêtre de cette matinée.
Le premier vice-président peut rester au calme à faire sa propagande ;)
8h30 : Des clameurs de manifestation se font entendre, comme d'une foule
serrée haranguée par mégaphone. A la fenêtre, je ne remarque rien de
particulier dans les avenues alentour, et il me semble bien que ce fond sonore
est diffusé par le haut-parleur de la mosquée voisine...
10h45 : Un cortège clairsemé de manifestants passe effectivement le long
de l'avenue Shahid, soutenu par quelques slogans. La mosquée - silencieuse
depuis deux heures - se remet alors à émettre à plein volume les
enregistrements précédents, histoire de galvaniser les troupes. Les
hélicoptères de l'armée tournent au-dessus.
A la mi-journée sont publiés les commentaires de presse. Le coeur de la ville
dans sa totalité avait été interdit aux véhicules par la pose de
conteneurs sur les grandes artères menant au centre. Les manifestants ont
respecté ce périmètre de sécurité - qu'ils auraient pu franchir à pied - et se
sont rassemblés du côté sud de la ville, au carrefour de Deh-Mazang,
où ils auraient été des dizaines de milliers. Les leaders de la communauté
hazara ont joué la désescalade, en se faisant l'écho des mesures prises
officiellement pour revoir le projet TUTAP, suspendu pour six mois. La
manifestation s'est dispersée dans le calme.
A dix-sept heures, pourtant, Tolo News publie un article mentionnant
des heurts entre manifestants et journalistes, au moment où ceux-ci étaient
occupés à filmer des échauffourées avec la police. Plusieurs journalistes
auraient été tabassés...