2015 avr. 2

Orage à Taïmani

Rencontre d'orage
Le mauvais temps qui interdit les vols vers le Takhar se manifeste aussi à Kaboul. Depuis trois jours il fait un froid de canard, et les nouveaux locaux de mon ONG favorite ne sont pas encore acclimatés. Je préfère donc rester chez moi, relativement au chaud quand il y a de l'électricité, quitte à me déplacer dans la journée pour rencontrer des collègues.

Ce que j'ai fait hier donc, juste après le déjeuner. Et c'est le moment qu'a choisi le ciel pour se déverser sur la ville ! J'ai trouvé abri au coin d'un bâtiment en construction, en compagnie d'un monsieur bien aimable qui en a profité pour me raconter toutes ses guerres avec Massoud ;) Pour ce prix-là, il a bien voulu aussi se laisser prendre en photo !

2015 mar. 30

Tchakoo

Opinel vintage
Que fait un opinel sur ce blog afghan ? Il était parmi les équipements de Nimic II et je l'avais conservé en symbole de mon projet maritime et en souvenir de mon père. Il m'accompagne depuis l'été dernier, et avait passé les nombreux contrôles de sécurité que j'affronte chaque jour, soit que je le glisse dans un bagage de soute, soit que je le confie jusqu'à la sortie aux gardiens des services publics, soit - et c'est le cas le plus courant à Kaboul - que les personnels de fouille n'en remarquent pas la présence dans ma poche... Son utilité ne s'est pas démentie : tisonnier pour le poêle à bois, cure-dent après ragoût trop cuit, couvert d'appoint et bien sûr outil coupant, contendant, vissant, etc.

Ce matin, levée de nouveau à quatre heures du mat' pour retenter le vol vers Taloqan, je l'ai imprudemment laissé dans ma poche : la première employée à la fouille de l'aéroport me l'a confisqué, comme il est de son devoir. J'en ai réellement pleuré.

Coucou de ligne intérieure
Alors, quand le pilote est venu annoncer que le vol était annulé... pour la seconde fois - il fait beau ici mais il pleut sur les montagnes et ni notre aéronef ni l'aéroport d'arrivée ne disposent d'équipement de vol sans visibilité - je lui ai presque sauté au cou de joie ;) L'employée n'a fait aucune difficulté pour me rendre le tchakoo, une fois assurée que je n'embarquai pas.

Embauche du matin
Bonne humeur revenue, j'ai pu consacrer le trajet de retour vers le bureau à mon passe-temps favori, la photo d'ambiance à la volée. Ici, un ouvrier attend l'embauche avec briques et ciment, pour continuer la construction des étages élevés d'un commerce déjà en exploitation. Google fashion, toile service ! Tout un programme !

2015 mar. 28

Météo boudeuse

Ciel peu encourageant
On s'est levé à quatre heures du mat' pour préparer un sac, le ciel était encore noir. Une fois dans la voiture vers l'aéroport, on pouvait se demander si le manque de lumière était dû à l'heure encore jeune ou plutôt aux caprices de la météo. Le doute fut levé dès l'arrivée au comptoir d'embarquement : notre petit coucou n'entreprendrait pas le vol Kaboul-Taloqan prévu, et nous étions renvoyés à nos pénates jusqu'à plus amples informations, demain peut-être.

Voyons le bon côté des choses. Je vais profiter de mon samedi de congé, et j'étais même de retour assez tôt pour surprendre les enfants partant à l'école ;)
Départ à l'école

2015 mar. 26

Accueil prometteur

Rameau en fleurs
Quand on s'est noirci les sourcils à empiler des dossiers dans des malles, quand on s'inquiète de ce qui attend au bout du déménagement, quel plaisir de trouver au coin de la pelouse un arbre fruitier en fleurs :) On attendra l'été pour savoir qui a gagné le pari des fruits qu'il portera, mais pour l'instant on respire à fond son parfum !

2015 mar. 25

Contre-nuit

Fantômes emprisonnés
Adossées à la nuit qui s'effiloche, ces clôtures tentent vainement de retenir les âmes des défunts dont elles entourent le carré d'éternité, au pan de ma colline.

2015 mar. 21

Rituels de fête

Ballons de fête
C'est de tradition... Pour fêter Nawroz, le nouvel an qui coïncide avec le printemps, les familles grimpent les collines et les enfants lâchent des ballons. Mon boulanger me demandait hier si je me joindrais aux ébats... et j'ai bien dû décevoir ses encouragements en me soumettant à la voix de la raison - celle qui déconseille de participer à toute manifestation publique, et en particulier quand il s'agit d'un folklore s'écartant de la tradition musulmane. Ceux des militants qui, depuis peu, se réclament de Daesh en Afghanistan n'ont pas manqué ces occasions de déconstruire l'enthousiasme populaire :(

En ce qui me concerne, donc, je suis restée à ma fenêtre où, entre deux coups d'aspirateur sur mes tapis laissés à l'abandon durant les frimas, j'ai pu capter les bons offices du vendeur de baudruches. A ce coin de rue qui vous est maintenant familier, vous remarquerez que la chaussée, le trottoir et les égouts ont été rénovés. Il y a du progrès :)

2015 mar. 20

Preuve de printemps

Preuve de printemps
Dix printemps à Kaboul, quatre-vingt neuf printemps pour Mite, c'est selon... mais c'est toujours la fête quand les chatons font péter leurs bourgeons au bout des rameaux, et quand les premières fleurs annoncent les fruits à venir. C'est ici un cognassier dont j'ai surpris l'éclosion dans la cour de l'école d'un de nos partenaires.

La belle saison encourage les marchands à la sauvette et autre petits métiers. Le maraîcher vient déposer sa cargaison de pommes de terre nouvelles sur le trottoir du détaillant.
Livraison de pommes de terre

Armé de son ardeur juvénile et de l'assurance qu'aucun conducteur ne voudra risquer l'ire de sa famille si quoi que ce soit lui arrive, le gamin engage hardiment sa brouette au plein travers du trafic encombré et mouvant de la voie rapide.
Traversée de la voie rapide

Lèche-vitrine La jeune fille se presse vers la boutique des courses avant la préparation du déjeuner, et espère peut-être y trouver une babiole pour rehausser sa beauté en prévision de la fête. Nowroz moubarak !

2015 mar. 17

An neuf en préparation, météo en rapport !

La colline aux pigeons
C'est le premier jour, depuis mon retour en février, où j'ai vraiment eu envie de sortir mon appareil photo. Alors je commence par vous gratifier d'une petite reprise de la colline sous ma fenêtre, juste pour apprécier la différence avec la même époque l'année dernière. Elle est toujours aussi pelée, toujours entourée de volatiles variés (cerfs-volants, hélicoptères ou autres pigeons), mais progressivement envahie par des constructions de toute sorte : déjà, alors, était apparu le tombeau étincelant à mi-pente ; déjà était en construction l'énorme baraque qui masque le paysage en contrebas, mais je l'avais coupée... Ce qui est nouveau, ce sont les ornements militaires ou gouvernementaux au sommet : le drapeau, déjà illustré, en l'honneur d'un chef de guerre décédé ; la jolie guérite qui abrite dorénavant une escouade de sentinelles censées assurer la sécurité du quartier ; et la tour de télécommunications qui complète la panoplie...

Mais comme le beau temps chasse les pensées moroses, je vous propose aussi en plan rapproché la douceur de cette soirée, celle dont profitent les anciens accroupis à l'entrée du cimetière et les enfants qui tirent leur cerfs-volants, celle que l'on perçoit dans la profondeur du paysage jusqu'aux montagnes du Panjshir que le petit coup de sécheresse laisse voir dans la lumière tamisée à quelques jours du printemps.
En attendant Nowroz

2015 mar. 8

Bravo les femmes !

Elles étaient toutes venues, sages-femmes, assistantes sociales, personnel d'entretien, pour participer à cette petite fête préparée par le responsable RH à l'occasion de la journée internationale de la Femme. Cela faisait une joyeuse assemblée sous les propos encourageants du directeur d'établissement.

Une fois la harangue emballée, il fallut se rendre à l'évidence : tout le personnel ne tiendrait pas autour de la table de réunion pour déguster les kababs. Alors, tout naturellement et pour ménager la pudeur de celles qui n'ont pas l'habitude de partager leurs repas avec des étrangers, les hommes se sont retirés dans une autre salle. C'est ainsi, d'un accord implicite qui satisfait (presque) tout le monde, que le parda (rideau ; pratique de séparation des sexes) s'impose dans les pratiques afghanes. ;)

2015 mar. 4

Hiver tardif

En route pour la récup'
Bien que le calendrier annonce le printemps dans une quinzaine de jours, la neige peut encore perturber les activités quotidiennes. Ainsi ce matin ces deux gamins en expédition de récup' qui essayaient de monter sur le même vélo - l'idée étant que l'un conduit et l'autre se tient debout à l'arrière les pieds sur les papillons - déjà transis de froid avant même de commencer. J'aurais bien voulu faire la photo qui va bien... mais impossible d'empêcher un Afghan de prendre la pose quand il a repéré l'appareil ;) Par solidarité, je leur ai ensuite glissé à chacun un petit billet. J'ai alors entendu derrière moi un appel et le militaire de garde à la guérite d'accès au bâtiment vice-présidentiel est venu agiter sous mon nez son téléphone mobile : "Hé, j'ai besoin de crédit, moi aussi !"

Averse de neige
Cette fontaine, vous la connaissez déjà, vue d'en haut. Aujourd'hui, c'est de la salle de réunion qu'elle s'imposait dans le paysage, avec son rideau de flocons. Un bon nombre des participants à la formation à laquelle j'assistais depuis trois jours la contemplait avec inquiétude : comment allaient-ils, demain, rejoindre leurs domiciles respectifs dans différents endroits du pays si la neige continuait à tomber ?

Heureusement la température s'était réchauffée à l'heure des séparations, et tous ont joyeusement participé au rite de la photo de groupe.

2015 fév. 21

Technologie miraculeuse

Outil de communication nomade
Ce qui est bien, en Afghanistan, c'est qu'il y a toujours une solution à vos problèmes techniques. Depuis mon retour à Kaboul, le plus clair de mon temps s'est consumé à récupérer un outil de travail, pour remplacer l'ordi qui m'a rendu de bons et loyaux services depuis 2011, mais qui s'est subitement mis à fonctionner à vitesse de limace : quarante minutes pour démarrer, ce n'est pas acceptable, et quelles qu'en soient les raisons pratiques, j'ai décidé qu'il était temps de passer à la génération supérieure.

Horreur ! Outre qu'on ne trouve sur le marché kabouli que des matériels configurés à l'anglo-saxonne (difficulté que mon grand âge trouve de plus en plus insurmontable), j'ai dû affronter le passage à la version Eight de l'OS standard, que mes petits copains nomment usuellement "windaube"... Je ne vous raconte pas les arrachages de cheveux... Pour ce prix-là, néanmoins, j'ai récupéré un magnifique écran quasi-géant et néanmoins tactile (heureusement, parce que le clavier qui va avec est déplorable), qui - je l'espère - pourra efficacement être le support de mes moyens de navigation hauturière (cartes marines géo-localisées...) dans une autre vie.

Et tant qu'à changer de niveau, je me suis procuré aujourd'hui une puce 3.75 G (si-si, ça s'appelle comme ça) pour nourrir le petit appareil nomade que je trimbale depuis l'été dernier pour produire de la wifi à partir de n'importe quelle connexion à haut débit, et que mon opérateur télécom gaulois appelle gentiment un web-trotteur. Il m'a d'abord fallu trouver un magicien local pour désimlocker l'objet - ce que les techniciens de l'opérateur natif n'avaient pas su faire - puis me fournir auprès du meilleur opérateur disponible sur place.

Alors, je vous le donner en mille ! Il s'agit d'Etisalat, que connaissent déjà ceux qui ont suivi mes aventures ;) Il m'a donc fallu leur communiquer toutes mes coordonnées afin d'entrer dans les registres officiels de cette institution de haute moralité... J'ai remis mon passeport à l'employé au comptoir, pour qu'il en fasse une photocopie. L'opération l'a retenu pendant une dizaine de minutes à l'autre bout de la pièce, où je le voyais en grande discussion avec tout un groupe de ses collègues. Je commençais à m'inquiéter - avaient-ils déjà repéré mon caractère frondeur ? - quand il revint s'asseoir devant moi pour terminer les formalités.

Au passage, il m'a glissé un mot sur le sujet qui l'avait retenu : la nouvelle circulait de la toute récente découverte du corps d'une haute personnalité talibane, disparue depuis six mois dans les montagnes au Pakistan ; le corps est en parfait état de conservation, le sang y circule encore ! Nothing short of a miracle!, convint-il avec moi... Me voilà rassurée.

Pour conclure, un petit compte-rendu comparatif sur les services rendus par les deux accès à internet dont je dispose maintenant. Non, la 3,75G n'est la meilleure qualité disponible sur le marché (j'ai fait un test de login avec ma messagerie en ligne, soit cinq secondes sur la ligne DSL et quinze secondes sur le réseau de quatrième génération). Mais oui, ce nouveau service peut occasionnellement sauver un urgent besoin de communication quand les circuits terrestres sont inopérants. Il y a pourtant des moments où aucun ne produit l'effet souhaité, ainsi que vient de le prouver l'heure sans connexion que je viens de passer. A bon entendeur, salut !

2015 fév. 15

Au bout de la rue...

Rue calme
...on montait autrefois doucement vers l'immeuble où j'habite, dans une rue calme qu'empruntaient rarement des voitures. Aujourd’hui, la rue est bloquée par des T-walls, parce qu'entre eux a élu domicile le Mouin Awal - le premier vice-président... Plus donc de jeune garçon à dos d'âne pour me tenir compagnie sur le trajet du bureau... Il me faut dorénavant montrer patte blanche à toute une équipe de gardes du corps formés à l'américaine.

De quoi se sentir protégée ?

2015 fév. 12

Fin de session

Me voilà renvoyée à mes occupations habituelles. J'ai finalement siégé au jury de deux affaires de la session d'Assises qui m'a retenue ces dernières semaines: une histoire d'inceste, une autre de viol entre amis. Outre l'horreur des situations décrites et l'abîme dans lequel ont sombré les victimes et les accusés - qui tous deux ont avoué à l'occasion de ces audiences, c'est l'échec des institutions sociales et judiciaires qui s'impose. Dans un cas, tout un entourage familial, amical et professionnel est resté pendant plusieurs années insensible aux signaux qui auraient pu alerter sur la violence faite à des enfants, la séparation des parents pouvant expliquer le comportement erratique des filles violées. Dans l'autre, un enfant déraciné devenu au fil des ans un petit délinquant multi-récidiviste, n'a pu trouver de réponse psycho-sociale adaptée aux séquelles qu'il porte de situations de violence vécues avant d'arriver en France ; jusqu'au point où, très jeune adulte, sa rage se retourne contre la seule personne qui l'a accompagné pendant des années.

Ces cas sont des symptômes de la violence que véhicule notre société. La croire - cette violence - caractéristique des zones de fracture comme l'Afghanistan est un leurre. Elle est issue de notre monde de compétition qui concentre les ressources entre les mains d'un petit nombre de puissants prédateurs, lesquels font croire au plus grand nombre que s'ils n'arrivent pas au sommet c'est parce que les plus vulnérables volent leur part du gâteau.

C'est seulement le traitement social de cette violence qui est différent. En Afghanistan, les règlements traditionnels tentent de trouver une solution collective aux conflits : les familles prennent la responsabilité des égarements des leurs, et s'engagent en bloc dans une démarche de réhabilitation du coupable, de réparation de la victime et de réconciliation de la communauté, parce que seul l'honneur du groupe permet de survivre dans la violence. En France, une transgression des règles doit trouver un coupable, lequel doit être puni. Et le plus souvent, la condamnation est accompagnée d'un rejet de l'environnement. Seules les mères anéanties rendent visite par la suite aux détenus enterrés vivants; pères, frères ou sœurs, amis, collègues ne prennent souvent même pas la peine de venir témoigner aux procès.

Ces condamnés sont des boucs émissaires.

2015 janv. 30

Fenêtre afghane

Sandra Calligaro est une jeune photographe qui a développé son art à Kaboul. Comme pour d'autres avant elle, la rencontre avec l'Afghanistan est devenue sa vie. Ses photos rapportent les attentes de la jeunesse kaboulie, ceux que l'on appelle les "Titanic kids", parce qu'ils sont nés au monde en voyant le film. Merci Sandra :)

2015 janv. 25

Soupape de sécurité (dispositif de protection contre les surpressions dans un ensemble soumis à pression)

Philippe Gelück (merci pour l'emprunt, c'est pour la bonne cause)

Il n'y a pas à tortiller... Depuis une semaine que je suis arrivée en France, le débat fait rage dans ma tête. Et l'actualité afghane comme française ne me permet pas de l'éluder. Il faudra bien, quand je rentrerai à Kaboul dans quelques jours, que je sois armée d'un argumentaire me permettant de continuer ma mission, sinon dans le confort et l'insouciance (!?), du moins en conscience et en liberté. Merci à Philippe Gelück qui me donne l'accroche de cette réflexion. "L'humour est le plus court chemin d'un homme à un autre", disait Wolinski."

Première idée : que je le veuille ou non, ma qualité de Française va sur-déterminer mon image chez les Afghans. Florilège des questions auxquelles je devrai répondre : pourquoi peut-on en France caricaturer les Musulmans et pas les Juifs ? (réponse : on peut caricaturer les religions mais pas injurier les personnes); pourquoi les femmes musulmanes ne peuvent-elles pas porter le voile en France ? (réponse : chacun est libre de son habillement en France, mais toute personne doit être identifiable individuellement dans l'espace public et citoyen ; le voile est un choix individuel, le masque du visage est interdit; de plus, toute activité du service public doit s'effectuer en toute laïcité, et donc sans signe d'appartenance religieuse).

Deuxième idée : plus que jamais, l'instrument de la désescalade est l'interaction directe et amicale de personne à personne, en connaissance de cause et en partage des risques. Un proverbe soufi dit : "Aies confiance en Dieu mais attache ton chameau, car Dieu n'a d'autre bras que le tien."

Troisième idée : on continue ! ...parce qu'il n'y a rien d'autre à faire ! On ne se laisse surtout pas auto-censurer :) et on garde le sourire !

2015 janv. 24

Stress sécuritaire

Toujours pas de photos originales à vous communiquer, ma première semaine d'intermède parisien se termine. Mais les nouvelles qui arrivent de Kaboul n'ont pas besoin d'illustrations. Des manifestations se produisent un peu partout dans le pays pour exiger le châtiment des journalistes blasphémateurs de Charlie Hebdo, et à défaut la fermeture de l'ambassade de France en Afghanistan. Par ailleurs, les parlementaires afghans bloquent la confirmation de nombreux ministres potentiels sous l'argument qu'ils possèdent une deuxième nationalité qui les exonèrerait de leur responsabilité face au pays en cas de malversation.

Ce n'est pas un hasard si ces deux incidents, apparemment sans rapport, se produisent à la même période. Et provoquent débats et altercations dans la population. Au parlement, la séance a du être levée parce que deux membres de l'assemblée - des femmes - en sont venues aux mains. Les manifestations anti-Charlie suscitent des réactions hostiles et parfois violentes dans la population. C'est que le pays est aux prises avec une augmentation de l'insécurité : les attaques des insurgés augmentent en rapport inverse du retrait des forces internationales ; simultanément l'aide en provenance de l'étranger diminue et les élites du pays s'en vont.

Les Afghans de base, ceux qui ne pourront pas partir, ceux qui ont traversé sur place les trente dernières années de guerre, se replient sur leur seule mesure de survie : le recours à la solidarité du groupe soudé par ses traditions, uni dans sa pureté originelle. La loyauté prédomine sur la liberté individuelle. Toute proposition de changement est vécue comme une trahison. Les plus vulnérables réagissent le plus violemment.

A nos décideurs en politique internationale, je dis : si vous voulez que l'Afghanistan cesse d'être cette nouvelle ligne Maginot, indéfendable et à coup sûr catalyseur de désastre mondial, arrêtez de penser militaire, passez à l'humain. Les personnes qui vivent sur cette zone de fracture entre blocs géo-stratégiques sont des gens comme vous et moi. L'information diffusée dans les médias s'honorerait de produire en Une les attentes pacifiques et humanistes de la majorité d'entre eux plutôt que les pétages de plombs occasionnels. Ça s'appelle mettre de l'huile sur le feu. Et qui s'en frotte les mains ?

2015 janv. 23

Misère...

Cas (1): Une gamine de dix-neuf ans fugue avec son amoureux... Le père de la fille enlève à la sortie de leur école deux cousines pré-pubères du garçon, à titre de "réparation". Cas (2): Un père délaisse sa famille, l'épouse divorce. Pour soigner sa frustration, l'homme "initie" ses filles pré-pubères à la sexualité. Cas (3): Un jeune adulte convainc un très jeune adolescent de pratiquer une sodomie sur un enfant, afin d'en tirer un film pédopornographique monnayable. Cas (4): Un homme mûr accumule les condamnations pour délits tels que vols, violences, agressions sexuelles, et en rejette la responsabilité sur son entourage ou un déni de justice...

La moitié de ces cas est issue de mon expérience de juré cette semaine, l'autre de mon expérience de recherche durant la semaine précédente. Saurez-vous retrouver à coup sûr lesquels sont afghans et lesquels français ? Par éliminations successives, peut-être. A première lecture, j'en doute... tellement la nature humaine et ses misères sont constantes d'un bout à l'autre du monde !

Choc et crudité des affaires telles qu'évoquées ici devant le tribunal où ma responsabilité est engagée. Horreur répétitive mais capitonnée de bonne conscience pour celles qui apparaissent là-bas au fil d'activités de protection de l'enfance. La vraie différence, celle que j'aimerais voir émerger de ces analyses dans quelques semaines, serait la capacité qu'aurait l'une ou l'autre société à prévenir, réparer ou empêcher la récidive. A suivre, donc.

2015 janv. 19

Intermède républicain

Une recherche tendue par les désirs de productivité et de rationalité du développement et néanmoins suspendue pour motif républicain... Un macrocosme en émoi sous les coups de boutoir conjugués de la provocation libertaire, de la violence tragique et insensée et de la volonté de contrôle communautaire... Un devoir républicain dont j'anticipe l'intérêt autant inédit qu'inopiné, qui me vaut quatre semaines de passage en France dont je vais essayer de vous faire partager les péripéties.

Ce matin donc, à neuf heures pétantes alors qu'une de la quarantaine de personnes présentes s'emportait déjà dans une diatribe contre l'incurie de l'Administration, la porte de la Cour d'Assises des Hauts de Seine s'est ouverte pour l'appel des citoyens convoqués pour être jurés des affaires de sa deuxième session de l'année 2015. J'en étais. Depuis l'inauguration de ce blog, j'ai fait du carnet de voyage, des billets d'humeur, de la chronique théâtrale, du débat géo-politique, de la photo folklorique. La période qui vient me verra chroniqueuse judiciaire. J'aurais pu, quand la convocation est tombée dans ma boîte aux lettres de banlieue parisienne alors que j'étais arrivée à Kaboul depuis à peine une semaine, arguer avec succès auprès des autorités compétentes de mon indisponibilité pour mission à l'étranger. J'ai préféré saisir l'occasion de vivre une expérience inattendue, originale et présentant pourtant une complémentarité évidente avec les activités en cours actuellement en Afghanistan. Confronter la justice rendue au nom du peuple français et celle vécue par la population afghane. La logique pénale et la logique réparatrice. La défense de l'individu et la recherche du consensus.

Le groupe des jurés potentiels - à tirer au sort au début de chacune des cinq affaires qui seront traitées - s'est déroulé devant la greffière, rousse pétillante et énergique, agitant sa robe au-dessus de monceaux de dossiers dans lesquels elle entassait les justificatifs des frais de chacun d'entre nous. Mais non, je ne serai pas remboursée de mon avion depuis Kaboul, seulement du RER pour venir au tribunal depuis chez moi chaque matin... La greffière passe quelques coups de téléphone à ceux qui semblent avoir mangé leur convocation... on les verra arriver essoufflés d'ici la fin de la matinée, affolés à la perspective d'être pénalisés d'une amende "pouvant atteindre 3.750 euros". Ses explications collectives s'achèvent par l'injonction claire de se lever quand la Cour entre dans la salle d'audience.

Une sonnerie retentit. La Cour entre. Nous nous exécutons ;) et la Présidente proclame l'audience ouverte. Entre revue des jurés, demandes de dispenses - principalement des hommes, délibérations en conséquence, harangue ad-hoc et film d'initiation, cette petite plaisanterie nous a menés largement au-delà de l'heure du déjeuner. Nous sommes libérés jusqu'au lendemain, même heure... pour "une expérience qu'on n'oublie pas !"

2015 janv. 16

Marketing rivulo-routier

En longeant la rivière Kaboul
Depuis des millénaires, les populations de cette région du monde longent la rivière Kaboul à travers les montagnes pour voyager d'est en ouest, ou l'inverse. Il y a le long de ses berges tout un monde de commerçants qui y trouvent une chalandise facile et captive. Le voyageur est soumis à un véritable matraquage publicitaire, accompagné d'une grande variété de pratiques commerciales.

Ainsi la buvette est-elle ornée du logo d'une boisson gazeuse bien connue...
Logo Pepsi à la buvette

...le boutiquier amène ses marchandises au moyen d'un engin de fabrication locale qui lui donne un look d'enfer...
Carriole à la harley-davidson

...les choux-fleurs soigneusement empilés ont remplacé les radis de la semaine dernière... Vendeur de route

...un professeur profite du magnifique paysage pour mettre en valeur sa proposition de services avec numéro de téléphone...
Promotion sur paysage

...une administration locale se rappelle au souvenir des citoyens...
Panneau administratif sur paysage

...au total une joyeuse animation, entrecoupée malheureusement de nombreuses épaves de véhicules accidentés mais délibérément imperméable au risque d'attaque des insurgés que les rapports de sécurité rappellent systématiquement. On ne va pas laisser des pisse-froid vous gâcher la vie dans les plus beaux paysages du monde, hein ?
A travers la plaine de Surobi

Pour être dans le mouv', et pour vous régaler à mon arrivée à Paris dans deux jours, j'ai fait comme mes compagnons de voyage : j'ai acheté un ser de grenades (environ sept kilos) qui tiendront lieu de lest aux bagages quasi-vides de mon prochain saut de puce ;) A bientôt !
Grenades de Kandahar, achetées à Surobi

2015 janv. 14

Casse-croûte

Quand les activités ont tellement de succès que leurs participants éclusent le ravitaillement prévu, il ne reste plus aux organisateurs qu'à se restaurer avec les moyens du bord. Comme ici, cette platée de haricots rouges et yaourt partagée à la bonne franquette par l'équipe de projet, laissée sur sa faim après un groupe de travail ;) Heureusement, à Djallalabad on peut toujours profiter du soleil.

Il paraît qu'entretemps la neige est tombée à Kaboul, sanctifiant ainsi la nomination tant attendue du gouvernement d'union nationale. Bon appétit !

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